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Dans de pareils marécages, on peut à la rigueur élever quelques baraquemens rudimentaires et provisoires ; cela suffit tant que les marchés ne sont pas très actifs. Mais, à mesure que les foires deviennent plus fréquentées, les négocians reviennent plus régulièrement à Rome, et pour plus de temps ; même ils veulent y avoir des installations permanentes : ils ne peuvent plus se contenter de patauger dans la boue du Marché aux bœufs, il leur faut un asile plus sûr et plus confortable. L’Aventin convient à merveille à cette fonction. Il est en dehors de l’enceinte, et, par conséquent, aucun scrupule religieux n’empêche que des étrangers s’y établissent pour aussi longtemps qu’il leur plaira, à demeure même, s’ils y tiennent. Mais en même temps, il n’est pas loin de la ville patricienne, si bien que les habitans du Palatin ou du Cælius peuvent aisément y venir faire leurs emplettes. Enfin, par sa proximité et du Tibre et de la voie Appienne, il permet aux commerçans qui y ont élu domicile de surveiller l’arrivage de leurs bateaux ou de leurs caravanes ; ils dirigent le déballage de leurs marchandises ; ils descendent dans la vallée au moment des grandes foires ; puis ils remontent sur la colline, pour s’enfermer, eux, leur argent et les articles qui leur restent, dans de bonnes et solides factoreries. Nul emplacement ne saurait être mieux choisi pour attirer et retenir les marchands étrangers ; et, le jour où le sénat a mis l’Aventin à leur disposition, la puissance économique de Rome a fait un pas de géant.

Ce jour, il nous est permis de le fixer, au moins avec une certaine approximation. C’est dans la première moitié du Ve siècle avant notre ère que paraissent s’être développées surtout les relations de Rome avec l’Etrurie, la Campanie ou la Sicile. Or, c’est dans le même temps, exactement en 456, que l’histoire traditionnelle, celle de Tite-Live et de Denys d’Halicarnasse, place la promulgation d’une loi fort importante, qui fut votée à l’instigation du tribun Icilius, et qui avait pour objet de partager entre les plébéiens les terrains domaniaux de la hauteur Aventine. Ces terrains faisaient partie du domaine public depuis le temps, très reculé, où les premiers habitans de l’Aventin avaient été vaincus et dépossédés par ceux de la<c Rome carrée. » Les uns avaient été légalement vendus ou loués à des particuliers : on les leur laissa. D’autres étaient restés aux mains de l’Etat, et servaient de pâturages communaux. D’autres, enfin, avaient été accaparés, de force ou subrepticement, par de riches