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ne sont pas initiés au culte national. Cette enceinte, ou plutôt la bande de terre qui y est attenante, est vouée aux dieux sous le nom de pomerium ; elle est à la fois la limite visible de la cité et sa protection mystique, sa ceinture rituelle, si l’on peut dire.

Or l’Aventin, pendant très longtemps, n’a pas été compris dans le pomerium. Qu’il ne l’ait pas été au début, rien de plus explicable. La Rome primitive, la « Rome carrée, » ne s’étendait que sur le Palatin et les vallées immédiatement attenantes : toutes les collines rangées comme en cercle autour du Palatin ne s’y rattachaient aucunement, et en cela, l’Aventin ne se distinguait pas du tout des autres montagnes. Mais pour celles-ci, l’annexion à la bourgade Palatine eut lieu de bonne heure : pour l’Aventin, elle fut tardive, et longtemps incomplète. Le Cælius, l’Esquilin, le Quirinal, apparurent comme des faubourgs, promptement et tout naturellement englobés dans la communauté urbaine : l’Aventin resta isolé.

Suivons-le, en effet, au cours des siècles. Si l’on acceptait les récits des annalistes latins, le premier rapprochement entre l’Aventin, et la cité se serait produit sous Servius Tullius : le mur attribué à ce prince, le fameux « mur de pierre, » enveloppait la majeure partie de la montagne, mais, dans cette région, le tracé du mur ne coïncidait nullement avec celui du pomerium, qui restait tel qu’auparavant. — Que veut dire ceci ? Il n’est pas question de savoir à quelle époque fut bâti le mur de pierres, ni ce qui peut se cacher de réalité historique sous la légende de Servius. Tout ce qu’il faut retenir ici, c’est que le nom de ce roi symbolise, dans la tradition annalistique, le moment où l’activité politique, administrative et militaire de l’Etat romain s’est affranchie du joug étroit de la religion. Etrusque, fils d’esclave, étranger au corps sacré des patriciens, Servius en bouleverse toutes les coutumes les plus vénérables. Il fait participer au service militaire, au droit de vote, au droit de propriété, les plébéiens, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de culte familial. A la division ancienne de la ville, sanctionnée par la religion, il en substitue une autre, purement topographique, purement humaine. Quoi d’étonnant si le même homme ose élever un rempart dépourvu de tout caractère religieux, et par suite, l’étendre jusqu’à l’Aventin ? — Voilà ce que représente l’histoire fabuleuse de Servius : un certain nombre de réformes distinctes, mais animées d’un même esprit. Comme la législation,