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L’HISTOIRE SOCIALE
D’UNE MONTAGNE ROMAINE

L’Aventin a toujours été une des plus célèbres parmi les sept collines immortelles. Tant de souvenirs historiques ou légendaires y sont demeurés attachés, il a été si glorieusement consacré par les beaux vers de Virgile et les émouvans récits de Tite-Live, qu’il s’impose, aujourd’hui encore, à la mémoire de ceux mêmes qui n’ont de l’histoire romaine qu’un souvenir confusément estompé. Le Quirinal ou l’Esquilin, le Viminal et le Cælius, ne sont pour bien des gens que des noms propres : l’Aventin conserve une individualité plus précise ; on sait, au moins vaguement, quel rôle il a joué dans les grandes luttes où se sont heurtés le peuple et le patriciat. À ce titre, son nom a même le privilège de figurer, avec ceux du Capitole, de la Roche Tarpéienne et des Gémonies, dans cette phraséologie banale et pompeuse que la Révolution avait extraite du vieux Contiones, et qu’elle a transmise à la démocratie du XIXe siècle. Lorsque, en une phrase sonore des Misérables, Victor Hugo énumère toutes les richesses de Paris, il n’a garde d’oublier celle-ci : « Paris possède un Capitole, l’Hôtel de Ville... un mont Aventin, le faubourg Saint-Antoine. » On a aussi, par une analogie moins fantaisiste, appliqué cette désignation tantôt à Montmartre et tantôt à Belleville, à toutes les collines qui se dressent sur Paris comme autant de citadelles faubouriennes. Ainsi, l’Aventin a eu cette gloire suprême de devenir un « cliché » de l’éloquence politique. Cette comparaison, souvent reprise, a maintenu dans les esprits l’idée que l’Aventin fut jadis le centre de la populace