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Saint-Jean-d’Acre, au mois de juillet 1818, en mahboubs ou sequins d’or turcs.

Abt. 5. — Il sera fourni sur les mêmes fonds coloniaux, et avant son départ, au général Badia, les instrumens dont les noms suivent :

1° Un cercle de réflexion ;

2° Un petit sextant avec son horizon artificiel ;

3° Une lunette achromatique de trois pieds ;

4° Une lunette de deux pieds et une autre d’un pied ;

5° Un chronomètre de poche et deux montres à secondes ;

6" Une petite boussole.

Art. 6. — Au retour du général Badia et en cas de succès complet de son entreprise, nous nous réservons de faire imprimer à nos frais son voyage et de donner, tant à lui qu’à sa famille, des marques de notre munificence et de notre haute protection.

Art. 7. — Notre ministre secrétaire d’État de la Marine et des Colonies et notre secrétaire d’État de la Guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution de la présente ordonnance.

Donné en notre château des Tuileries le 20 décembre de l’an de grâce 1817 et de notre règne le vingt-troisième.

Signé : Louis.

Par le Roi :

Le Ministre secrétaire d’État de la Marine et des Colonies,

Signé : Comte Molé.


Le rêve de Badia se réalisait en partie : il allait revivre cette vie arabe à laquelle il aspirait depuis dix ans ; il allait enfin redevenir Ali Bey. En des termes d’une emphase tout espagnole, il écrivit au comte Mole pour le remercier. A travers l’expression pompeuse de sa reconnaissance, on sent néanmoins percer le regret d’avoir à renoncer à ses conceptions politiques ; il ne peut s’empêcher de rappeler l’intérêt capital que son projet présentait pour la France et il insiste à nouveau pour que sa patrie adoptive veuille bien l’examiner. Quel était donc ce grand dessein qui lui tenait tant au cœur et que le duc de Richelieu avait repoussé par prétention ? Il faudrait, pour répondre avec détails à cette question, connaître le Mémoire sur la colonisation africaine où le plan devait être exposé tout au long. Ce document n’a pu être retrouvé, mais il est facile d’en rétablir le contenu d’après la correspondance de Badia. Il s’agissait d’établir la domination de la France sur le Maroc et les régences d’Alger et de Tunis, en détruisant du même coup la piraterie barbaresque. Détrôner le Chérif, renverser le dey et le bey, tout paraissait possible à l’aventureux Badia avec l’ascendant qu’il se sentait capable de reprendre sur les populations musulmanes. On jugera de l’importance