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IV

Il devenait manifeste que le ministre des Affaires étrangères ne voulait pas accueillir les propositions de Badia ; il estimait sans doute que son département avait à faire face à assez de difficultés, sans s’exposer aux complications qui pouvaient naître de l’ambitieuse initiative de l’aventurier catalan. Peut-être aussi conservait-on à celui-ci quelque rancune du rôle de dupe qu’il avait fait jouer autrefois à Talleyrand. On conseilla à Domingo Badia de s’adressera Molé, ministre de la Marine. Il lui écrivit, le 23 novembre 1817, rappelant une fois de plus ses voyages en Afrique et en Asie, ses fonctions administratives en Espagne sous le roi Joseph, la publication de ses travaux, ses offres de service à Ferdinand VII, etc., etc. Sa lettre se terminait ainsi :


J’attendais encore que les gouvernemens auraient profité de mes vues et de mes travaux politiques en Afrique, mais, détrompé de cette espérance et désirant profiter du peu d’années de vigueur qui me restent pour rendre au moins aux sciences un des plus grands services qu’on puisse leur rendre en faisant un voyage de découvertes au centre de l’Afrique, puisque je suis l’unique Européen qui puisse l’entreprendre avec succès, en raison des circonstances qui se réunissent en ma personne, j’ai l’honneur de soumettre à V. E. la proposition ci-jointe que je m’engage à porter à effet, si le gouvernement daigne l’accepter. Ce sera signaler l’an 1818 et le règne de Sa Majesté Louis XVIII par une opération qui fera époque dans l’histoire des sciences.

Daignez, monseigneur, protéger cette belle entreprise.


Comme on le voit par cet extrait de sa lettre, Badia renonçait au moins momentanément à ses desseins politiques et ne sollicitait plus qu’une mission ayant un caractère scientifique. Une ordonnance royale en date du 20 décembre 1817 nous fait d’ailleurs connaître le texte des propositions qu’il avait soumises au comte Molé, et il est intéressant de la reproduire in extenso parce qu’elle nous éclaire en même temps sur la nature et les conditions de la mission que le gouvernement se décidait enfin à lui confier.


LOUIS, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre,

Nous étant fait mettre sous les yeux la proposition du général Badia qui offre :

1° D’entreprendre la traversée entière de l’Afrique d’Orient en Occident,. par son centre ou sur les parallèles de dix à quinze degrés de latitude Nord ;