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masse des afrancesados vint le fixer sur ce qu’il fallait espérer de générosité du despote Ferdinand VII. C’est alors que Badia, renonçant définitivement à sa patrie, se tourna vers le nouveau gouvernement de la France.

Louis XVIII, on l’a vu, avait accepté la dédicace des Voyages d’Ali Bey, où l’auteur saluait le retour du Roi « que la Providence touchée des malheurs de l’humanité avait ramené sur le trône de saint Louis et de Henri IV. » Estimant que cette dédicace et l’avant-propos de l’ouvrage, par leur forme un peu mystérieuse et par la fiction qu’il avait cru devoir conserver, étaient peu propres à renseigner sur sa personne et ses antécédens, Badia rédigea une fois de plus un de ces mémoires autobiographiques où il détaillait avec complaisance tous les services qu’il avait rendus, prenant sa revanche du mystère qu’il aimait par ailleurs à entretenir sur sa personne. Ce mémoire, daté du 8 novembre 1814, est précédé de renseignemens généalogiques sur la famille Badia ; il est intitulé : « Notes sur le chevalier Badia, sa famille et celle de madame son épouse. » C’était la première fois que notre Catalan prenait du chevalier ; il justifiait ce titre par des preuves très complètes qui le rattachaient comme origine à la famille française Abadie ou Abbadie ; malheureusement, les documens avaient été déposés autrefois dans une abbaye au fond de l’Andalousie, et la notice était rédigée de souvenir. On ne peut s’empêcher de rapprocher cette généalogie espagnole de la généalogie arabe si habilement improvisée pour le personnage d’Ali Bey el-Abbassi, et l’on conserve quelques doutes sur son authencité, bien que l’auteur en « certifie et atteste la vérité sur son honneur. » Badia était inconsciemment victime d’une excessive activité de l’imagination, et la longue habitude qu’il avait contractée du déguisement physique et moral le portait à habiller un peu la vérité.

Les Cent jours vinrent interrompre les projets de Badia, décidé à solliciter une mission du gouvernement de la Restauration. Quand le calme fut rétabli, le 22 octobre 1815, il fit remettre au duc de Richelieu, ministre des Affaires étrangères, un exemplaire de ses voyages, accompagné de deux mémoires : un sur les services rendus par lui à la France dans le Levant et un autre sur la Colonisation de l’Afrique. En avril 1816, Badia, ayant lu dans les journaux la proposition faite à la Chambre des pairs par Chateaubriand pour la destruction de la piraterie barbaresque,