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notice abrégée de son exploration qu’une commission fut chargée d’examiner. Les comptes rendus manuscrits des séances de l’Institut portent à la date du 20 novembre : « M. de Rossel, au nom d’une commission, fait un rapport sur le mémoire de M. Domingo Badia, dans lequel ce savant donnait l’extrait de son voyage en Afrique et en Asie. La conclusion est qu’il y a à désirer que cet ouvrage paraisse bientôt ; en effet, on sait qu’il s’en occupe et qu’il doit former 8 volumes in-4o avec atlas[1]. »

Enfin, s’il était besoin de donner une autre preuve de la valeur scientifique des voyages de Badia, il suffirait de mentionner que la Connaissance des temps inscrivit toutes les longitudes et latitudes résultant de ses observations astronomiques, et que, pour certains pays comme pour le Maroc, ces coordonnées géographiques ont été pendant longtemps les seules que nous ayons possédées.

On doit toutefois reconnaître que Domingo Badia, entraîné par une imagination ardente, échafaudait trop facilement des théories scientifiques à propos de ses voyages. C’est ainsi qu’un Mémoire sur l’île Atlantide et sur l’existence d’une mer intérieure en Afrique ayant été lu par lui, le 4 avril 1814, devant la première classe de l’Institut, MM. Cuvier, Humboldt et Rossel, nommés commissaires, déclarèrent qu’il ne serait pas fait de rapport sur ce mémoire.

C’était alors l’âge d’or des mémoires académiques, et l’on présentait aux diverses classes de l’Institut des « observations, » des « conjectures, » des « éclaircissemens, » sur les sujets les plus baroques et dans ce style grandiloquent qui nous paraît à distance si ridicule. Entre tous ceux que le besoin de notoriété avait incités à cette douce manie, on remarquait précisément un membre de l’Institut, grand ami de Badia, nommé Claude Izouard, mais se faisant appeler plus pompeusement de Liste de Sales. Claude Izouard, qui avait appartenu à la classe de morale, s’était réfugié, depuis la suppression de cette classe, dans celle d’histoire et de littérature anciennes ; il s’était pris pour le pseudo-Ali Bey d’un enthousiasme exalté. Ecrivant à l’éditeur anglais Longman pour lui recommander la publication des Voyages d’Ali Bey, il s’exprimait ainsi au sujet de son ami : « J’ai entendu moi-même, dans le corps académique dont je suis membre,

  1. La partie historique et descriptive des Voyages d’Ali Bey, la seule qui ait été publiée, ne comprend que trois volumes. La partie scientifique n’a pas paru