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Je crois devoir à la vérité, au bien du service de Sa Majesté et au cas particulier que je fais de M. Badia, de prier Votre Excellence de faciliter à M. Badia le moyen de voir l’Empereur. J’ai l’honneur d’être connu de Votre Excellence depuis assez longtemps pour me flatter qu’Elle sera persuadée que je mets de côté tout esprit de parti, et que, si je n’étais pas convaincu des sentimens et des bonnes intentions de M. Badia, et assuré qu’il peut rendre les plus grands services, je ne lui demanderais pas avec instance de l’honorer de son appui.

J’ai l’honneur...

Le gouverneur des provinces de Cordoue et de Jaen.

Signé : le général baron Digeon.


II

Le comte Daru ne semble pas avoir fait grand cas de la recommandation du général Digeon, car Badia n’obtint aucune audience de Napoléon et ne fut pas plus consulté sur les affaires de l’Espagne qu’il ne l’avait été autrefois à Bayonne sur celles du Maroc. On le trouve à Paris, à la fin de 1811, modestement installé, 25 quai des Grands-Augustins, et uniquement occupé de la publication de ses travaux qui, sous le titre de Voyages d’Ali Bey el-Abbassi en Afrique et en Asie, allaient être enfin édités à Paris, chez Didot, et à Londres, chez Longman. Une seule faveur officielle lui est accordée : Montalivet lui annonce, le 25 décembre 1813, que le ministère de l’Intérieur souscrira à 250 exemplaires des Voyages d’Ali Bey qui seront payés soixante francs chacun. Il rappelle l’engagement pris par l’auteur et l’éditeur de faire paraître l’ouvrage dans le courant de l’année 1814.

Entre temps, Badia fréquentait dans la colonie des réfugiés espagnols, où il retrouvait le colonel Francisco-Amoros si mêlé autrefois avec lui à l’entreprise du Maroc ; il recherchait également la société des membres de l’Institut et était en relations suivies avec Delambre, Méchain, Beautemps-Beaupré, qu’il avait connus, lors de son premier séjour à Paris en 1802, avant son départ pour l’Afrique. Causeur de grande imagination, il aimait à développer, quand il trouvait des oreilles complaisantes, des théories scientifiques un peu hasardées que le voyageur anglais Bowdich appelle « des impostures éblouissantes, » L’Institut les jugeait sans doute avec moins de sévérité ; il s’intéressait à la prochaine publication des Voyages d’Ali Bey. Le 15 novembre 1813, Badia avait présenté à la classe des sciences une