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LA
FIN D’UN ROMAN D’AVENTURE

LES DERNIÈRES ANNÉES D’ALI BEY EL-ABBASSI
(1808-1818)

Deux hommes, à trois siècles d’intervalle, nous ont fait connaître le Maroc, et, par une coïncidence étrange, un même mystère recouvre leur destinée. Le premier était un Arabe né à Grenade vers 1495 ; il s’appelait El-Hassen ben Mohammed el-Ouzzâni. Or l’histoire a oublié ce nom pour ne retenir que celui de Jean Léon ou de Léon l’Africain que le pape Léon X lui avait donné à son baptême ; il était devenu chrétien, presque Italien, et c’est dans cette langue que fut imprimée en 1531 à Venise sa fameuse Descrittione dell’ Africa. Le second était né à Barcelone en 1766 ; il se nommait Domingo Badia. Il se trouve qu’à l’encontre du filleul du Léon X, c’est sous le nom arabe d’Ali Bey el-Abbassi qu’il a passé à la postérité, et c’est en français que cet Espagnol, devenu Arabe et presque musulman, a publié en 1814 le récit de ses voyages dédié au roi Louis XVIII.

Jean Léon, après avoir parcouru le Maroc et les autres parties du Maghreb, fut pris par des corsaires italiens qui le vendirent au pape Léon, Il vécut quelques années à Rome et, à la demande de son protecteur, il rédigea, d’après des notes manuscrites et d’après ses souvenirs, une description de l’Afrique du Nord, œuvre très remarquable, plagiée aux XVIe et XVIIe siècles par les auteurs de Théâtres du Monde ou de Cosmographies universelles