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reconnaissance, un semblable vol au-dessus de la Manche, mais, même dans ce domaine, il est si dépendant du vent, du temps et des plus grands hasards, que l’on ne pourra qu’exceptionnellement espérer obtenir par cette voie une nouvelle précieuse ; on ne pourra jamais y compter fermement. Il est à peine besoin de dire qu’on ne pourra évidemment jamais, à l’aide d’aéroplanes » envoyer une armée par delà la Manche. Je crois que les aéroplanes et les dirigeables ont un grand avenir, mais j’estime que beaucoup de perfectionnemens devront y être apportés d’ici là. »

Les peuples qui se croient menacés par les nouveaux progrès de la navigation aérienne ont donc largement le temps de se préparer à toute éventualité. Qu’ils n’oublient pas que le canon n’a pas encore dit son dernier mot et qu’ils prennent modèle sur l’Allemagne, où on s’occupe depuis assez longtemps, déjà, de construire des pièces capables de pulvériser les aéroplanes et d’anéantir les dirigeables. L’usine Krupp a, paraît-il, en ces derniers temps, fabriqué des canons que l’on peut placer sur un affût à deux roues ou sur un charriot automobile, et qui, sous un angle de 60°, lancent leur projectile à une hauteur considérable, 12 à 1 500 mètres, dit-on. Ces projectiles sont explosifs et lumineux, qualité essentielle pour pouvoir suivre leur trajet pendant la nuit et rectifier le tir ; le jour, ce dispositif éclairant fournit une abondante fumée qui remplit le même objet. Des résultats fort intéressans ont été déjà obtenus : plusieurs ballons ont été détruits, non pas seulement par la mise en pièce de l’enveloppe, mais par l’inflammation du gaz intérieur.

Les cris d’alarme poussés par la presse d’Outre-Manche, les objurgations de Lockyer, l’article du Jules Verne anglais, Wells, — article qu’on pourrait intituler : A quoi tient l’infériorité des habitans de la Grande-Bretagne ? — n’ont du reste pas l’importance que beaucoup leur ont attribuée. Nos voisins d’Outre-Manche savent que gouverner, c’est prévoir, et ils veulent, ils exigent que leur gouvernement gouverne ; de là leurs cris, leurs virulentes philippiques. Les déclarations de leur ministre de la Guerre, huit jours après l’exploit du 25 juillet, ont dû leur donner toute satisfaction.

Après avoir fait remarquer que la France ne consacre annuellement que 1 200 000 francs environ aux progrès de l’aéronautique, — l’Italie y a consacré 2 000 000 cette année, — que l’Allemagne en est pour plus de 5 300 000 francs, sans compter les