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avait décerné, à peu près un mois auparavant, le prix Osiris et dont le président, dans la séance du 26 juillet, s’exprimait comme il suit : « Nous n’avons pas été étonnés de lui voir réussir la périlleuse traversée de la Manche. Mécanicien et pilote de grande audace, M. Blériot possède là deux qualités maîtresses qui se trouvent rarement réunies chez le même homme. Son succès est très instructif pour l’avenir des aéroplanes, et portera à améliorer les monoplans qui, en cette occurrence, ont fait preuve d’une très grande souplesse. »

En second lieu, rappelons la dépêche de Nadar : « Reconnaissance émue pour la joie dont votre triomphe vient de combler l’apôtre antédiluvien du plus lourd que l’air (en 1853), avant que ses quatre-vingt neuf ans soient sous terre. »

Et, enfin, n’oublions pas les réflexions de W. Wright à propos de cet exploit : « Je ne suis pas autrement surpris, a-t-il dit, du résultat obtenu par M. Blériot ; je l’avais vu voler lors de mon séjour en France, je connaissais son appareil, et je le pensais capable de franchir la Manche. Il avait déjà sur terre, à travers des pays unis, c’est vrai, accompli des parcours plus longs. C’est pourquoi la réussite de M. Blériot ne m’a pas étonné outre mesure, pas plus du reste que l’échec de M. Latham, car je crois que celui-ci n’a pas un aéroplane suffisant ; et des deux systèmes, je préfère celui de M. Blériot. Mais si vous me demandez mon sentiment sur les voyages en aéroplane, croyez bien que je considère qu’il est plus difficile de voler au-dessus de la terre que de traverser un bras de mer. On peut, certes, sur les flots, avoir à lutter quelquefois contre un vent assez fort, mais il est ordinairement régulier, tandis que, lorsque vous voyagez au-dessus des agglomérations, vous devez demander à un appareil volant beaucoup plus de stabilité à cause des remous causés par les replis du terrain, les maisons, les rideaux d’arbres, bref les obstacles de toutes sortes au-dessus desquels l’aviateur doit évoluer. »

On a cru voir, dans ces mots, percer une pointe de jalousie, W. Wright s’étant récusé lorsque, il y a quelques mois, on lui proposait de traverser la Manche. Qu’on les lise avec attention, et on y découvrira plutôt un indice de la rivalité d’écoles dont il a été question plus haut.

Une pierre commémorative indiquera, aux Baraques, l’endroit d’où est parti le Blériot XI, — elle sera à quelques kilomètres