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fortuit de l’atmosphère, l’apparition d’un banc de brume, peut, d’un instant à l’autre, mettre en perdition. Toute besogne d’éclairage lui est donc interdite, — un bâtiment éclaireur devant être au plus haut point un bâtiment se mouvant vite et bien, — et l’on peut considérer son rôle comme, dès à présent, limitée une action offensive au cours du combat naval lui-même, lorsque les escadres ennemies seront en vue l’une de l’autre. Encore faudra-t-il attendre pour une semblable utilisation que les aéroplanes soient assez puissans pour transporter des explosifs, et qu’ils soient absolument sûrs de leur manœuvre. Ils devront, en effet, s’élancer du pont du bâtiment qui les transporte avant l’ouverture du feu, planer au-dessus de l’ennemi avec une précision suffisante pour que leurs projectiles ne manquent pas ce but mobile, revenir se poser sur leur navire, et cela, quelles que soient les évolutions et la vitesse des bâtimens, la force et la direction de la brise, le roulis et le tangage.

Voilà la vérité sur le rôle que les aéroplanes peuvent être appelés à jouer pour le moment, du moins dans une guerre purement navale. Quant à leur rôle militaire sur terre, toujours dans l’état actuel des choses, ce ne peut être que celui d’éclaireur à courte distance, les dirigeables, grâce à leur vaste rayon d’action, sur les champs de bataille comme dans les ports de guerre, étant chargés des grandes explorations. Le reste n’est que roman.

Mais revenons à notre héros.

« Soudain, raconte-t-il, audaces fortuna juvat, — trois bateaux s’offrent à ma vue ; des remorqueurs, des paquebots ? Peu importe ! — c’étaient des destroyers escortant dix sous-marins qui, devançant l’escadre anglaise, se rendaient à Cowes pour la visite du Tsar. — Ils paraissent se diriger vers un port. Je suis leur direction. Des marins, des matelots m’envoient des hourras enthousiastes. J’ai presque envie de leur demander la route de Douvres. Hélas ! je ne parle pas anglais.

« Je longe la falaise du Nord au Sud, mais le vent, contre lequel je lutte, reprend de plus belle. Une anfractuosité de la côte se présente à ma droite, un peu avant le château de Douvres. Une joie folle s’empare de moi. Je m’y dirige, je m’y précipite. Je suis au-dessus de la terre ! J’en éprouve à nouveau une douce émotion. Mais sur le sol un homme agite désespérément un drapeau tricolore. Je viens vers terre et j’aperçois le rédacteur du