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Les brillantes « performances » de Spelterini avec son aérostat de 2 000 mètres cubes, le Sirius, méritent, ce nous semble, d’être soulignées, même après la traversée de la Manche par M. Louis Blériot, et quoique d’autres, aussi, aient franchi les Alpes en ballon avant Spelterini.


II

Si, en ballon libre, la traversée est relativement aisée de Douvres à Calais, les vents la rendent plus malaisée dans le sens inverse. Ce n’est qu’en 1883, après trois tentatives infructueuses, que Lhoste, grâce à des courans aériens favorables, a pu, sciemment, franchir la Manche de France en Angleterre, — et encore, avait-il choisi Boulogne comme point de départ, afin de rendre plus sûr son atterrissage sur le sol anglais. Lhoste, dans ce voyage, se montra d’une prudence méritoire. Il eut soin de quitter Boulogne par un vent d’est. À 1 000 mètres d’altitude, il rencontra une très faible brise du sud, qui souffla toute la nuit. Ne sachant, à cause de la brume, où il était, il descendit jusqu’à 400 mètres où il fut repris par le vent d’est. Il remonta alors à I 600 mètres où il rencontra un courant sud-ouest. Par mesure de précaution, redescendant encore une fois sur la mer, il aperçut Douvres et eut la chance de rencontrer, à ce moment, un courant d’est qui le conduisit vers la terre. Il franchit la côte anglaise à une altitude de 300 mètres et atterrit enfin aux environs de New-Rommay. Mais il serait facile de compter sur les doigts le nombre de ceux qui ont réussi à refaire un pareil voyage, et Lhoste lui-même périt l’année suivante, avec son ami Mangot, en voulant renouveler sa tentative. Depuis, aucun dirigeable n’a risqué ce voyage, — ce qui ne prouve rien contre ce système de locomotion aérienne, sinon qu’il n’a pas osé. Il était réservé au plus lourd que l’air d’accomplir cette prouesse, que semblaient faciliter et sa vitesse, et surtout le peu de résistance relative qu’il présente au vent, mais que le moteur à explosion, dont la maladie de cœur originelle n’est pas encore guérie, rendait quand même hasardeuse et périlleuse.

On ne peut nier que l’Institut, en désignant L. Blériot comme un des deux lauréats du prix Osiris, n’ait eu la main heureuse, ce qui, d’ailleurs, n’a rien d’étonnant de sa part. Comme a dit un de ses membres en complimentant l’éminent successeur