Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
REVUE DES DEUX MONDES.

chancelier, — battu à huit voix seulement, ne l’oublions pas — il aurait pu exercer sur les conservateurs une action plus directe, rallier par son influence personnelle la demi-douzaine de suffrages dont M. de Bülow avait besoin. Mais sans doute n’a-t-il pas oublié la dure leçon de novembre. Est-ce pour cela qu’en juin il est resté strictement constitutionnel, perdant peut-être par sa réserve celui-là même qui lui avait huit mois plus tôt rappelé la nécessité de cette réserve ? Hypothèse à coup sûr et rien de plus, mais hypothèse qu’il faut envisager pour rester dans le cadre des sentimens humains. Quoi qu’il en soit, le prince rentre de Kiel, ayant, aux termes d’une note officieuse, offert sa démission que l’Empereur a refusée « dans le moment présent, » en le priant de rester au pouvoir jusqu’au vote de la réforme financière. Le surlendemain, nouvelle note qui confirme la première, mais qui insiste sur l’irrévocable résolution du chancelier d’abandonner son poste. C’est en dehors de lui d’ailleurs que se poursuit à la hâte le vote des impôts substitués à son projet. En réalité, ce n’est pas pour diriger ces votes de la dernière heure que Guillaume II lui a demandé d’ajourner sa retraite ; c’est pour atténuer l’impression parlementaire qui se dégage de cette crise, où l’on voit un parti, hostile au gouvernement, imposer sa volonté, soit en ce qui regarde les idées, soit en ce qui regarde les hommes.

Tout le monde, — Empereur, chancelier, députés, M. de Heydebrand, conservateur, M. de Hertling, catholique, — prend part à cette conspiration de pudeur autocratique. Mais, en dépit de ce concours de bonnes volontés, la vérité ressort en pleine lumière. Le prince de Bülow se retire en ministre parlementaire, et sa défaite lègue à son successeur l’obligation de gouverner avec la majorité qui a précipité sa chute.


IV

Telles furent ces neuf années, singulièrement remplies, pendant lesquelles le prince de Bülow, sans obtenir de succès éclatans, sut donner la mesure d’une grande ingéniosité, d’une richesse singulière de moyens, d’une ténacité soutenue, — même dans ses variations, — d’une éloquence enfin qui le place au premier rang des orateurs contemporains.

Qu’il eût à l’égard du Reichstag une doctrine politique, on