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peu excessif entonné en août, au lendemain de la rencontre à Swinemunde de l’empereur Guillaume et du Tsar. A en juger par ce qui la suivit, cette entrevue n’eut guère plus d’effet pratique que celle de Wilhelmshöhe entre Édouard VII et Guillaume II, qui se produisit dans le même mois. On voulut cependant y trouver la preuve du rayonnement diplomatique de l’Allemagne. On espéra également à l’automne que le voyage de l’Empereur en Angleterre rétablirait le charme rompu. Mais le Times, au mois d’octobre, en prit occasion pour publier contre le prince de Bülow un article d’une singulière dureté, qui peut-être fut pour quelque chose dans la détermination, ultérieurement annoncée, du chancelier de ne pas accompagner son souverain. De même, au mois de décembre, une campagne commença dans la presse anglaise contre les armemens navals de l’Empire allemand. Puis, au mois de février 1908, dans un discours à la Chambre des communes, sir Edward Grey insista sur la valeur générale qu’avait prise depuis sa conclusion l’entente anglo-russe. En mai, le voyage à Londres de M. Fallières fut l’occasion de célébrer le « resserrement, » — purement moral d’ailleurs, — des liens qui unissaient la France à l’Angleterre, et la presse de Berlin en marqua de l’humeur. Enfin, au mois de juin, la rencontre à Reval d’Edouard VII et de Nicolas II permit aux deux gouvernemens d'annoncer par des notes officieuses que leur accord s’appliquait désormais à l’Europe aussi bien qu’à l’Asie, à la Macédoine autant qu’à la Perse, au Thibet et à l’Afghanistan. Les deux systèmes, qui se partageaient l’Europe, demeuraient donc impénétrables. Et leurs cadres, loin de s’assouplir, se raidissaient face à face, tandis qu’au Maroc la question hafidienne opposait chaque jour davantage l’une à l’autre la politique française et la politique allemande.

L’heure approchait cependant où de graves événemens, modifiant les données de la politique européenne, allaient obliger les gouvernemens à un examen de conscience, qui leur révélerait le danger de laisser durer, à côté de rivalités inévitables, des conflits inutiles. La Turquie, théâtre ordinaire des querelles diplomatiques, se préparait à sortir de sa passivité et à tenter par elle-même un effort de régénération. En juillet, l’organisation jeune-turque, que l’Europe la veille encore ne soupçonnait pas, s’emparait du pouvoir avec une déconcertante facilité et, couvrant de l’étiquette libérale un mouvement surtout pa-