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rassurent que l’esprit. Elles ne consolent pas le cœur. Elles sont remises à la volonté de la Providence : on ne sait combien de temps la Providence prendra pour les résoudre ; et, en attendant, nous autres-, pauvres humains, qui vivons dans les jours qui s’écoulent, nous ne pouvons nous détacher du présent, et nous en souffrons dans notre âme, dans notre conscience et dans nos entrailles.

« Voici ces conclusions. Elles sont simples et faciles à comprendre.

« Il y a deux sortes de propriétés, comme il y a deux sortes de vies. Il y a la propriété particulière, comme il y a la vie particulière et individuelle. Il y a la propriété commune et publique, comme il y a la vie publique et commune, c’est-à-dire la vie sociale, la vie de relations. De tout temps, les sociétés ont reconnu une propriété commune et l’ont consacrée dans leurs lois. Il n’y a pas de société possible sans le domaine de l’Etat.

« Le propre de la propriété individuelle, son abus et son excès, devait être d’enfanter l’extrême inégalité des conditions. Quelque bonne et quelque légitime qu’elle fût en elle-même, elle devait trouver son correctif et son remède dans une extension sage et grande de la propriété commune. Cette propriété commune, c’était naturellement les chemins, les lignes de fer, les canaux, les mines, les impôts. C’est ce qui ne peut être accaparé par les particuliers sans un empiétement illégitime sur la richesse de tous. Cet empiétement a eu lieu pourtant sous le régime de la spéculation et sous l’école individualiste. La richesse de tous est devenue l’enjeu d’une classe privilégiée, et aujourd’hui, cette classe prétend plus que jamais être propriétaire de la propriété de l’État.

« Tandis que cette école soutient ce monstrueux axiome, des écoles socialistes sont tombées dans l’excès contraire. Elles ont voulu trouver le remède à l’inégalité des conditions dans la suppression de la propriété individuelle ; et là elles ont fait naufrage, car si la propriété individuelle doit disparaître, ce ne sera jamais d’une manière absolue. L’homme aura toujours besoin de posséder individuellement une foule d’objets nécessaires à son usage, depuis la truelle que votre main est habituée à manier, jusqu’au livre que vous avez besoin de posséder en propre pour le manier à toute heure, si tel est le besoin de votre unie. Le paysan qui a l’amour de son petit jardin, et même de son pré,