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Louis VI, le créateur du domaine royal et des communes. Il est vrai, toujours en éveil, l’Allemagne érudite avait porté son attention sur le Xe siècle, et M. de Kalckstein venait de consacrer à l’origine des Capétiens un livre original. Nos historiens, eux, avaient passé. Ces âges sans gloire méritaient-ils un long regard ? Et qu’avions-nous à apprendre au spectacle de ces luttes, de ces contradictions, de ces brigandages, agonie d’un régime où une foule de petits seigneurs avides et cruels s’acharnent à dépecer cette proie : la royauté ? En cela, nos historiens se trompaient. Ce ne sont peut-être pas les plus brillantes périodes de l’histoire qui sont les plus curieuses, et l’étude des siècles calmes où la vie sociale s’épanouit apprend moins au savant que l’aspect des âges troubles où celle-ci se transforme. Cette conception juste de M. Luchaire a été féconde ; elle nous a valu cette suite ininterrompue de recherches qui, de 1883 à 1898, ont jeté la plus vive lumière sur les faits et renouvelé entièrement les théories.

Que nous apportait-il ? — Pour juger et comprendre cette série de transformations dont le changement de dynastie est le fait le plus apparent, deux systèmes dominaient alors l’école historique. Le premier, national, cherchait dans la révolution de 987 un antagonisme de races. Pour ces érudits, les Carolingiens représentaient l’Allemagne ; les Robertiniens, la France. Le duel des deux maisons n’avait pu être que le choc des deux élémens ethniques qui se disputaient notre sol, et la victoire d’Hugues Capet, que la revanche de notre nationalité aspirant à naître et à se séparer. Non moins spécieuse était la théorie féodale. Pour celle-ci, contre le système politique de Charlemagne, la force du pouvoir, l’unité de l’Etat, le duc de France représentait les idées comme les intérêts nouveaux : « l’hérédité des fiefs, le morcellement de la souveraineté, l’indépendance locale. » Contre la monarchie, il est la féodalité ; contre le souverain, le premier des seigneurs, et en le couronnant, c’est elle-même que l’aristocratie élève. Ainsi, théorie nationale et théorie féodale expliquaient la révolution de 987, à la moderne, comme une opposition de principes et de systèmes, où, derniers défenseurs des élémens germaniques et des idées romaines, de la monarchie impériale et unitaire, les Carolingiens devaient être vaincus par leurs rivaux, premier symbole de la France naissante et du séniorat triomphant. De ces théories, et malgré l’autorité des noms qu’elles invoquaient, ceux d’un Thierry ou d’un Guizot,