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jardins et de multiples dépendances, enfin un collège qui comprend des salles de cours et des chambres pour les étudians étrangers à l’ordre des Dominicains.

Grâce à l’affectueuse obligeance du Père Séjourné, alors prieur du couvent, j’obtins la faveur d’être logé dans une de ces chambres, pendant toute la durée de mon séjour à Jérusalem. J’en ai gardé le plus délicieux souvenir. L’exquise retraite que cette cellule, ouverte sur une cour intérieure ombreuse et fraîche, — et combien propice à la méditation, combien exaltante pour quiconque y apporte une autre disposition d’âme que la vaine curiosité du touriste ! De ma fenêtre, j’apercevais presque toute la Ville Sainte : le dôme surbaissé du Saint-Sépulcre, la flèche aérienne des Franciscains, la grosse tour trapue de l’église protestante du Rédempteur, puis des minarets de mosquées émergeant parmi les blancheurs laiteuses des maisons, les lilas et les mauves des lointains. Au coucher du soleil, le spectacle avait une grandeur religieuse. Je montais, à cette minute-là, sur la terrasse : les créneaux des remparts, dorés par le crépuscule, dévalaient avec une lourdeur puissante vers le creux sombre de la vallée de Josaphat et la grande face blême du mont de l’Agonie. Derrière un bois d’oliviers, le soleil couchant enflammait de rougeurs sanglantes la coupole monstrueuse de la cathédrale russe. Mais, vers le Nord, rayonnait une suavité divine. Le ciel livide se fondait dans des transparences cristallines, les brindilles fuselées des oliviers tout proches se découpaient sur ce fond mélancolique, comme des nervures de plomb sur le fond splendide et doux d’un vitrail.

Dans ce cadre composé par la plus pure des lumières et par la plus émouvante et la plus grandiose des histoires, se déroulait sous mon regard toute la calme beauté de la vie monastique. Cette paisible existence, partagée entre le travail, la prière et les chants, — c’est déjà le rêve paradisiaque…

Et cependant, nulle part ailleurs, je n’ai trouvé un milieu plus moderne, plus chaud, plus vibrant d’enthousiasme, plus épris de science et de libre discussion. Lorsque j’entrais dans la bibliothèque, je pouvais me croire de retour à l’Ecole normale d’autrefois, parmi mes anciens condisciples. Le scapulaire et la robe de laine blanche n’ôtaient rien de leur gaîté, de leur franchise et de leur vivacité d’allures aux jeunes Dominicains qui venaient là pour vérifier une référence, consulter un texte,