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ajoute que l’éducation morale y est presque nulle, tandis qu’elle est, au contraire, très développée dans les écoles congréganistes d’Orient et que les résultats en sont les seuls qui demeurent, — on conviendra qu’il y a des raisons plausibles pour hésiter entre les deux systèmes.

Je ne communiquai point ces réflexions au Père jésuite qui m’entretenait : nous étions trop du même avis. Mais j’eus soin de revenir fréquemment l’interroger, pendant mon séjour à Beyrouth. Il causait volontiers des nombreuses œuvres qu’il dirigeait : confréries d’étudians, cercles catholiques de jeunes gens et d’ouvriers. Il y était très aimé :

— En général, me dit-il, ceux que nous avons élevés, ou secourus, nous restent fidèles ! Ils se souviennent. Nous avons une association d’anciens élèves, éparse à travers tout l’Orient et même le monde entier. Cela forme un bloc de solidarités… Mais nous avons à lutter, ici même, contre de rudes adversaires : les Américains ! Leur collège a été créé et organisé par un homme de haute valeur, M. Bliss. Nous étions au mieux avec lui, comme nous le sommes encore avec ses collaborateurs. Cela n’empêche pas que, quand nous fondions une école quelque part, M. Bliss s’empressait d’en bâtir une autre en face : collège contre collège, chapelle contre chapelle, dispensaire contre dispensaire !… Aujourd’hui, c’est son fils qui est à la tête de l’établissement. Allez le voir ! Cette installation des Américains est admirable !… Ils sont plus riches que nous, hélas !…

Je suivis le conseil du Père : j’allai voir le collège protestant des Américains.

Les Jésuites se sont logés à l’Est de Beyrouth. Les Américains occupent l’extrémité opposée de la ville. Selon la méthode anglo-saxonne, ils ont construit leur université en pleine campagne, sur une éminence, d’où l’on domine la Méditerranée et la chaîne du Liban. Le lieu, très salubre, est rafraîchi, même en été, par la brise de mer. A travers les fanges des faubourgs, je gagne cette oasis de propreté et de confort. Je distingue les murs des premières bâtisses : c’est encore plus imposant que chez les Jésuites ! D’abord, de vastes jardins fermés de clôtures en pierres Je taille ; puis, tout un quartier qui s’est groupé autour du collège et qui en est une véritable dépendance : boutiques de papetiers et de coiffeurs, restaurans et cafés pour les étudians. J’aperçois, plus loin, un hôpital de bébés, toutes