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tout de suite sur un plateau. J’avoue que, les premiers complimens échangés, je ne songeai même pas à solliciter la faveur d’assister à quelques classes : il est probable d’ailleurs que ma demande eût été courtoisement éludée. Je m’en serais, au surplus, consolé sans peine. J’ai subi assez d’inspections, lorsque j’étais dans l’Université, pour savoir quelle formalité vaine et trompeuse est l’enquête d’un inspecteur. En conséquence, je préférai de beaucoup interroger le Frère directeur et causer avec lui.

Spontanément et de très bonne grâce, il me renseigna sur le nombre et la nationalité des élèves de la maison. Le gros du contingent se compose de Grecs, de Maltais, d’Italiens. Il y a aussi des Autrichiens et quelques Français. Les Musulmans et les Juifs sont une minorité assez restreinte. Comme je m’en étonnais, au moins pour les Musulmans, le Frère me déclara :

— Oui ! c’est ainsi ! nous avons beau éviter même l’apparence du prosélytisme religieux, le préjugé des Musulmans et des Juifs à notre égard est invincible. Encore une fois, je proteste contre la légende calomnieuse, qui veut que nous forcions nos élèves mahométans à suivre les offices catholiques. C’est le contraire qui est la vérité. Ceux d’entre eux qui fréquentent nos cours le savent bien. Ils sont relativement peu nombreux, je vous l’ai dit, mais nous ne cherchons pas à en attirer davantage…

— Pourquoi donc ? fis-je, un peu surpris.

— Mon Dieu ! me confessa le Frère, avec une certaine hésitation… pour des raisons de moralité ! Comprenez-moi bien ! Je n’accuse pas les jeunes Israélites ou les jeunes Musulmans d’être des enfans ou des adolescens corrompus. Il n’en est pas moins certain qu’à âge égal ils sont beaucoup plus précoces, beaucoup plus développés, physiquement, que nos Européens. Alors, il y a danger, — vous le devinez, n’est-ce pas, — à les laisser ensemble.

Qu’on ne voie pas là un trait de noirceur cléricale ! Si je reproduis cette appréciation, c’est que je l’ai entendu formuler maintes fois, non seulement par des prêtres chrétiens, mais par des éducateurs laïques. Sans aller jusqu’en Orient, il n’est que d’interroger à ce sujet nos proviseurs et nos censeurs algériens, ils répondront exactement comme ce religieux du Caire. D’ailleurs, il n’insista pas. Il se hâta de m’entretenir, ce qui est trop naturel, des succès de ses élèves.

Ces succès seraient fort brillans, d’abord dans les examens,