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extraordinairement multipliées en Orient, depuis un demi-siècle. Au lieu de gémir sur l’absence des lumières en ces heureux pays, il faudrait plutôt se plaindre qu’il y en eût trop, au moins en certains centres. Quoi qu’il en soit, ces écoles ont formé des milliers d’élèves ; elles ont travaillé plus ou moins à transformer l’esprit et les mœurs des Orientaux. Y ont-elles réussi ? Que sont-elles et que valent-elles au juste ? Qu’est-il permis d’en attendre pour l’avenir ? Je ne me flatte pas, après tant d’autres[1], de répondre péremptoirement à ces questions. Je voudrais seulement montrer qu’il les faut envisager non pas du point de vue des grands principes, mais du simple bon sens, et qu’on ne peut se flatter de les résoudre, sans y mettre beaucoup de tolérance, d’équité et de sympathie.

Je commencerai par les écoles religieuses, — catholiques, protestantes, israélites : elles sont, en général, les plus anciennes ; elles ont servi de modèle à l’enseignement public ; elles sont enfin les plus nombreuses, et, pour l’instant, les plus puissantes et les plus capables d’agir sur la mentalité orientale.


II

Évidemment, je n’ai pas l’intention de donner, dans cet article, une nomenclature détaillée de toutes ces écoles : il ne s’agit point d’un rapport encyclopédique sur l’enseignement libre en Orient. La vie d’un homme suffirait à peine à une tâche pareille. On ne peut pas avoir tout vu, et même si on le pouvait, on ne jugerait encore que d’après une inspection forcément sommaire. Il n’est d’ailleurs pas commode de voir, — qu’il s’agisse des Musulmans ou des Congréganistes catholiques, des Protestans ou des Juifs. La porte de leurs maisons vous est tout juste entre-bâillée. Et je m’émerveille, à ce propos, de l’intrépidité de certains enquêteurs français, qui, sans préparation aucune (sinon purement livresque), sans s’être familiarisés par un long séjour avec les âmes et les intelligences de là-bas, — après avoir traversé en personnages encombrans une demi-douzaine de classes, — se permettent de formuler un verdict définitif et sans appel sur une cause qu’ils ont si mal entendue !

  1. Voyez, en particulier, le bel article de M. Anatole Leroy-Beaulieu : la Langue française et les révolutions de l’Orient, paru ici même, dans la Revue du 15 avril 1909.