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plaisir. Le prince de Bülow insistait tardivement sur la médiocrité des intérêts allemands au Maroc en regard des intérêts français. Et il reconnaissait qu’aucuns pays n’étaient, plus que la France et l’Espagne, capables de fournir au Sultan un concours utile. Dans le public allemand, qui jamais ne s’était passionné pour le problème marocain, on était surtout satisfait de voir la fin du conflit. On se demandait, sans trop y insister d’ailleurs, si peut-être une politique plus souple n’aurait pas tiré de la situation un parti meilleur. On se rendait compte qu’au lendemain de la chute de M. Delcassé, l’entente avec la France aurait pu s’établir dans des conditions plus avantageuses. On inclinait à penser qu’on avait, de Tanger à Algésiras, fait beaucoup de bruit pour rien, et on aspirait au repos avec une nuance de mécontentement rétrospectif.

Du côté français, les dispositions étaient également conciliantes. Les démocraties n’ont point le goût des difficultés extérieures, et la nôtre ne s’était accoutumée qu’à regret à regarder en face celles qu’elle venait de traverser. L’impression de soulagement dominait, non sans que se fût éveillé cependant le sens des alertes possibles et des précautions nécessaires. On mesurait, bien qu’avec une netteté insuffisante, la gravité des fautes commises, l’imprudence d’un conflit abordé sans préparation militaire, la faiblesse d’une politique que sa base précaire condamnait à subir, au moins pour un temps, le bluff adverse. On se félicitait, d’autre part, des concours trouvés pendant la crise, des fidélités éprouvées et des amitiés réchauffées. Une pointe d’ironie gauloise relevait la satisfaction de l’honorable issue diplomatique ménagée à la conférence par le talent de nos plénipotentiaires, réveillant cette tendance nationale à la sécurité et à l’optimisme dont nous avons été si souvent les victimes. L’esprit public, autant que le gouvernement, tenait pour possibles et désirables des relations correctes avec nos voisins de l’Est. Et l’induction simplifiante des foules estimait qu’après la conférence, ces relations naîtraient d’elles-mêmes.

C’était là trop de confiance dans l’avenir prochain. Car, entre la France et l’Allemagne, tant du fait des circonstances que de celui des hommes, les risques de heurts demeuraient nombreux. D’abord, sur les deux diplomaties, pesait désormais une habitude de défiance réciproque, qui devait compliquer les différends les moins graves. De plus, au Maroc même, l’Acte d’Algésiras