Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/712

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et tout en criant : « Vive France ! » volontiers ces Siennois ridiculisaient le Roi, mais de loin, et à voix basse, car ces jurisconsultes, ces docteurs, ces commerçans, banquiers et boutiquiers tremblaient en sa présence, gagnés eux-mêmes au respect dont ils le voyaient entouré par tous ces princes qui formaient sa suite. On se les montrait avec curiosité : c’était Mgr Philippe de Bresse, oncle de Charles VIII, et le comte de Foix, roi de Navarre, et Mgr de Luxembourg de Ligny qui était son « camérier secret » et couchait dans sa chambre, et le maréchal de Gié ; parmi ses conseillers, plusieurs étaient connus déjà des Siennois qui les avaient vus passer à Sienne, dans les premiers mois de cette même année, se rendant à Rome en ambassade : c’étaient Beraud Stuart, seigneur d’Aubigny, et Mgr de Saint-Malo, que le Roi avait juré de faire nommer cardinal par le Saint-Père, en sa présence ; et le sénéchal de Beaucaire, Etienne de Vesc, Antoine de Guimel et Guillaume Bougier, ses secrétaires ; puis venaient les princes italiens, parmi lesquels les Napolitains bannis du royaume tenaient les premières places : toute la maison de San Severino, avec son chef le prince de Salerne, qui amenait à l’armée royale des troupes levées par lui, et Galéas, le favori du Roi, que les Siennois, par une louche intrigue des Petrucci, avaient failli avoir pour maître, et François San Severino, le cardinal-évêque de Maillezais ; et don Ferrand, fils du duc de Ferrare. Tout cela formait une imposante escorte, comme jamais les Siennois, si avides de fêtes, n’en avaient vue !

Dans la cathédrale, le Roi avait voulu aussitôt offrir à la Vierge le baldaquin sous lequel il avait fait son entrée ; puis, il était passé dans le palais épiscopal qui était attenant ; on y avait préparé ses logemens et une splendide réception.

Pendant les deux jours qu’il passa à Sienne, ce ne furent, pour Charles VIII, que fêtes et réceptions d’ambassadeurs.

Au milieu de toutes ces cérémonies dont il se voyait exclu, le cardinal de Sienne isolé dans sa retraite de l’Observance, avait, avec une ténacité extraordinaire, poursuivi son plan d’être enfin reçu par le Roi, et de se relever, dans sa ville même, de cette disgrâce qui discréditait sa personne et sa famille.

Or, pendant que Charles VIII était à Florence, le Pape, qui passait d’un jour à l’autre de l’espérance au pire découragement, s’était décidé, après avoir appris l’échec de son légat, à envoyer un autre ambassadeur qui fût persona grata au Roi de France,