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pas aussi entendu au langage français qu’aux histoires pieuses, c’était Galeas de Sanseverino, le favori du moment, qui interprétait ses discours. Galeas avait conquis Charles par sa bonne grâce à monter et à dresser des chevaux et à jouter mieux que quiconque d’alors.

On savait, — disait le chanoine d’une voix convaincue, — qu’aussitôt après le dernier soupir du Christ sur la Croix, un ange était apparu à Nicodème et lui avait ordonné de tailler dans le bois l’image du Sauveur avant sa mise au tombeau…

Le Roi écoutait, les yeux fixes, la bouche entrouverte, comme un enfant à qui on raconte des merveilles. Et devant les gentilshommes qui entouraient le monarque et avaient interrompu leurs causeries et leurs jeux bruyans, intéressés eux-mêmes par le pieux récit, le chanoine continuait : il montrait Nicodème montant au Cédron, y coupant un arbre, et, en face de Jésus pendu à la Croix, sculptant dévotement son image, qui, par conséquent, était la plus fidèle qui existât ; elle représentait le Christ, non plus ignominieusement nu et ensanglanté, mais déjà entré dans la gloire céleste ; vêtu d’une splendide robe, il avait la tête couronnée d’un diadème étincelant, au lieu de la douloureuse couronne d’épines, et les bras étendus, tels que sur la Croix ; mais le bois du supplice disparaissait, car un nimbe lumineux rayonnait autour du corps divin, et aux extrémités de ces rayons s’épanouissaient des lys…

Le Roi était charmé au plus haut point, et cette floraison de lys aux mains ouvertes du Christ le ravissait.

Le chanoine termina en racontant comment, perdu pendant de longs siècles, le « Volto Santo » avait été retrouvé miraculeusement, et transporté avec une grande pompe à Lucques où, dans le « Duomo, » il était l’objet d’une particulière vénération.

Que de miracles il avait fait, ce saint Voult ! que de guérisons accomplies ! Et il protégeait si efficacement la cité que, dans ces dernières années, le seigneur Dominique Bertini, comte du Saint-Empire et secrétaire du Saint-Siège apostolique, homme réputé dans toute l’Italie par sa piété, avait consacré sa fortune à élever, sous la voûte principale de la cathédrale, un petit temple dont la coupole faite d’écaillés émaillées reposait sur des colonnes d’or, appuyées elles-mêmes sur une « ringhiera » de marbre blanc et rouge : la frise en était décorée de fins ornemens et de bas-reliefs d’or, dont on avait confié l’exécution au plus renommé