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mérite également d’être signalé : elle est à la fois une « discipline » et un « foyer d’idéal, » et, comme telle, elle a relevé le niveau moral non moins que le niveau intellectuel du peuple rural, tandis que le sentiment national ressuscité réveillait dans l’âme individuelle ces fortes qualités d’énergie, de dignité, de respect et de maîtrise de soi qui sont la marque des races vigoureuses. De fait, le niveau et l’état des classes rurales sont sans conteste supérieurs en Danemark à ce qu’ils sont dans les pays voisins, notamment en Allemagne. Le passant est frappé, dans chaque village, de l’apparence confortable des maisons, de la tenue des habitans, de la propreté des enfans ; l’ordre, la diligence, le soin, se sentent partout. Très peu de cabarets, l’ivrognerie est presque inconnue ; la police, pour tout le pays, ne compte pas 300 hommes. Rares sont les pays où, comme en Danemark, la natalité n’a pas baissé au cours du dernier siècle. Non moins rares ceux où, encore comme en Danemark, les campagnes ne se dépeuplent pas : la population rurale danoise a doublé de 1800 à 1900. La pauvreté, enfin, ne se voit guère à la campagne : « l’instruction populaire supérieure, écrit un enquêteur étranger, a affranchi le Danemark de l’existence de ce qu’on peut appeler une « basse classe, » j’entends une classe d’individus sans intérêt dans l’existence et coupés de la vie morale du pays[1]. » Ajoutons que nulle part en Europe il n’y a moins de fossé entre les classes, nulle part la démocratie n’a pénétré plus effectivement dans les mœurs : les classes, pour mieux dire, n’existent plus.

Les résultats économiques de l’école Grundtvig, pour n’être pas directement recherchés dans les programmes, ne sont pas enfin les moins remarquables. Pays agricole avant tout, où la grande industrie n’occupe que peu de place, pays de petite propriété, pays de liberté douanière (depuis 1863) en ce qui concerne les produits du sol, le Danemark devait souffrir, — et a souffert en effet de la façon la plus aiguë, — de la crise qui, dans la seconde moitié du XIXe siècle, a atteint l’agriculture en Europe. La culture principale du pays, celle des céréales, qui rapportait hon an mal an une somme nette de 50 millions de francs, dut être abandonnée et remplacée par l’exploitation des produits animaux. L’industrie du lait et des œufs se développa bientôt de façon

  1. Report on cooperative agriculture and rural conditions in Denmark (Department of agriculture and technical instruction for Ireland), Dublin, 1903, p. 115.