Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/671

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes surtout luttèrent, représentant deux tendances distinctes. Ce fut d’abord Jacob Peter Mynster (1775-1854), prêtre de la Cour, puis évêque en Sélande, le Pusey danois, qui, par sa belle culture et sa haute piété, contribua d’une façon remarquable à rétablir dans l’Eglise danoise l’orthodoxie, luthérienne, et dont le successeur, Martensen, poussant à l’extrême la réaction conservatrice, devint le chef de ce qu’on nomma en Danemark, par une analogie avec la high church anglaise, « l’école de la haute Eglise. » Ce fut d’autre part Grundtvig, véritable « génie religieux, » non moins croyant, non moins décidé que Mynster dans son luthéranisme, — « vrai brûlot du fanatisme, » disait-on de lui dans sa jeunesse, — mais moins « officiel, » plus libéral, plus polémiste, plus low church, si l’on veut. Religieuse autant que patriotique, sa muse lui inspire des chants sacrés qui font de lui, paraît-il, l’un des premiers « psalmistes » de l’église danoise[1]. Pour combattre l’ennemi commun, le rationalisme, il s’attache non pas tant à la Bible, bien qu’on l’ait appelé le « géant solitaire de la Bible, » qu’au symbole des apôtres, « comme au témoignage primitif du véritable christianisme, à la parole sortie de la bouche même du Seigneur, au verbe vivant, par opposition aux livres qui, comme écrits, sont morts. » Il se sépare de Mynster pour réclamer au sein de l’Église nationale la liberté. « Foi et liberté » est la devise que les grundtvigiens, dans leurs réunions d’amis, s’efforcent de répandre et de pratiquer. Grundtvigiens libéraux, orthodoxes de la haute Église, et piétistes de la « Mission intérieure, » — ces derniers, propagandistes et réformateurs, s’attaquant à toutes les plaies morales de la société, rappelant par certains côtés les méthodistes anglais, mais avec une foi plus positive, plus sacramentelle, — tels sont aujourd’hui encore les trois grands partis religieux qui se partagent le luthéranisme danois. Et en face d’eux, si la pure négation, l’incrédulité, a progressé, là comme ailleurs, le rationalisme religieux, cet hybride de la foi et de la libre pensée, a du moins disparu presque entièrement de la carte morale du Danemark.

  1. Il publia tout un recueil de psaumes : Sangvaerk til den danske kirke.