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réelle ; enfin ils disent qu’il faut que l’enfant se fasse homme… »

Et elle, que dit-elle ? « Moi, je dis qu’il y a du vrai dans tout cela, quoique ce soit bien sévère ; et, si quelqu’un doute que vous ayez la force de suivre de pareils conseils, moi je n’en doute pas. Je ne pense pas que vous deviez vous abstenir de faire des vers quand il vous en vient, mais je dis qu’il n’en faut pas chercher quand il n’en vient pas… » (19 mars 1844.)

Poncy comprit-il ? Un peu, sans doute. Car nous le voyons essayer de la prose. Or, comme tous les rimeurs sans études, il écrivait moins bien en prose qu’en vers. Il envoie une « nouvelle » à George Sand, qui la trouve « étriquée » et de style insuffisant. Mais, dit-elle, je suis toujours « la mère grognon et ne laisse rien passer. » Heureusement la naissance de l’enfant attendu vient faire diversion. Vers et prose sont oubliés auprès du berceau de la petite Solange.

Il reprend bientôt la plume, pour s’exercer sur un sujet nouveau que George Sand lui propose : la chanson de chaque métier. Ce sera, entre parenthèse, son plus faible ouvrage, d’autant plus qu’il est presque de commande : mais Poncy a tant de docilité ! C’est la plus grande qualité de son caractère ; c’est sans doute en littérature son plus grand défaut. Il rime, il envoie des spécimens de ses chansons, et George Sand recommence à être enchantée. Les lettres recommencent à couler de Nohant, mais plus familiales, comme patriarcales. Poncy est initié peu à peu à cette paisible et exquise vie berrichonne que mène sa protectrice, entre son fils, parfois sa fille, son frère Hippolyte et son travail. Cependant on continue à parler de lui dans les feuilles avancées. Un sourd désir s’empare de l’ouvrier toulonnais, que les lauriers de Reboul, reçu en 1839 à Paris en triomphe, empêchent de dormir. Voir Paris ! parler à ces hommes célèbres qui lui ont écrit, qui ont chanté ses louanges ! Voir George Sand surtout, recevoir son accolade maternelle après ses lettres ! Rien n’était plus naturel.

Et George Sand lui écrit aussitôt : « Venez ! » Elle aussi a le désir de connaître son poète, son fils spirituel. Ne doutons pas cependant qu’à sa joie ne se soit mêlée quelque appréhension. Répondrait-il, l’homme, à l’idée qu’elle s’en était faite d’après ses vers ? Cette fois, la connaissance pouvait être recueil. Et puis, elle savait qu’ils s’apprêtaient à Paris, les autres, pour une manifestation en l’honneur du poète ouvrier. Après ces hommages