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L’INDE AUX INDOUS

Le 1er juillet dernier, un crime odieux a causé à Londres et dans toute l’Angleterre une émotion profonde. Un étudiant indou nommé Dhingra, élève depuis trois ans de l’University College, a tué à coups de revolver le lieutenant-colonel sir William-Hutt Curzon Wyllie, aide de camp et adjudant politique de lord Morley, secrétaire d’État pour l’Inde. Sir W.-H. Curzon sortait de l’Impérial Institute, où il s’était rendu sur l’invitation de l’Indian Association, lorsqu’il a été frappé de plusieurs balles à la tête : un médecin parsi, le docteur Carvas Lalcala, qui s’est précipité pour lui faire un rempart de son corps, a été tué sur son cadavre. Le caractère politique de l’assassinat n’a, dès le premier moment, fait doute pour personne. On savait qu’une grande agitation existait dans l’Inde ; mais le mal est apparu plus grave encore qu’on ne le croyait, lorsqu’un fanatisme meurtrier est venu frapper, en plein Londres, un homme connu de tous pour son caractère sympathique et conciliant. L’événement a rendu plus actuelles, plus pressantes, plus angoissantes aussi les questions qui se pressaient déjà dans les esprits au sujet de la situation de l’Inde, et, puisque tout le monde en parle en Angleterre, nous en dirons un mot à notre tour, en remontant en arrière, à quelques années seulement.

En 1905, pour la première fois dans les temps modernes, l’Asie triompha de l’Europe. La victoire des Nippons, éclatant comme un clair coup de gong dans la nuit calme, a secoué la torpeur asiatique. Jaunes et noirs se sont frotté les yeux en criant : « La Chine aux Chinois ! » « La Perse aux Persans ! » « L’Inde aux Indous ! »