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souveraineté réside dans l’universalité des citoyens ; que c’est la base de la dynastie napoléonienne ; que c’est le principe même sur lequel s’est appuyé l’Empereur pour la guerre actuelle, que nous ne pouvons admettre que les peuples se cèdent comme des propriétés particulières sans leur consentement ; que le roi de Piémont n’entend pas avoir fait la conquête de la Lombardie, mais l’avoir émancipée seulement et rendue à elle-même, libre de disposer de son sort.

Malgré tous les ménagemens que j’apportais dans mes paroles, il ne m’était pas difficile de m’apercevoir que le terrain était brûlant et que je risquais, pour une question de principe théorique, sans application ici, de faire tout échouer. Je trouvais que j’avais déjà été assez loin en soutenant devant l’empereur d’Autriche le principe du droit révolutionnaire. L’empereur d’Autriche, comprenant notre embarras réciproque, y mit un terme avec assez de finesse en disant : « Mon cher prince, nous ne sommes pas ici pour nous faire un cours de droit des gens. Il est inutile de discuter ces questions qui sont étrangères à la conclusion de la paix. Nous ne pourrions nous entendre. Ce que vous appelez le vœu des populations, le suffrage universel, etc., moi je l’appelle le droit révolutionnaire, que je ne puis reconnaître. Je ne connais que le droit écrit par les traités. D’après eux, je possède la Lombardie. Je veux bien, à la suite du sort des armes, céder mes droits à l’empereur Napoléon, mais je ne puis reconnaître le vœu des populations, ni rien de semblable. Je ne pourrais donc pas accepter ces mots. Vous-même ne devez pas y tenir, puisqu’ils ne sont pas nécessaires aux préliminaires de paix qui ne doivent constater que des faits et non des théories. Cette convention n’étant pas faite pour être publiée, vous n’avez aucun motif pour tenir à ces mots. L’empereur Napoléon mettra dans le traité qu’il fera avec le roi de Sardaigne, dans les proclamations qu’il adressera aux Lombards ou à la France, tout ce qu’il voudra, cela ne me regarde pas et je n’ai pas à m’en mêler. Il motivera sa conduite sur les principes de droit qui lui conviendront, mais il ne peut vouloir, dans une convention que je signe, m’imposer la reconnaissance de ce principe. »

Jusqu’à un certain point, ces observations pour supprimer ces mots dans le traité avec l’Autriche me paraissant justes, je n’insistai pas autrement. Je représentai seulement qu’il était indispensable de mettre une phrase qui fît reconnaître par