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en brèche l’enseignement de l’État : tout cela à cause d’un jeune homme qui s’était brûlé la cervelle. M. Denys Cochin était d’autant plus en droit de protester contre ces généralisations qu’il est élève de l’Université et qu’il lui a confié ses enfans. N’importe ; il est interdit à lui comme aux autres de trouver que tout n’est pas pour le mieux dans une Université dont M. Doumergue est le grand maître. C’est encore un bloc qu’il faut accepter tel quel : quiconque se permet la moindre critique est aussitôt traité en adversaire. Ami de l’Église, ennemi de l’État.

Il y a cependant quelque chose de vrai dans ce que M. Doumergue a dit, avec excès, des préoccupations des catholiques au sujet de l’Université actuelle, et des dispositions défensives qu’ils prennent à son sujet. La dissolution des congrégations enseignantes a porté un coup très sensible, sinon en principe, au moins en fait, à la liberté de l’enseignement. S’en tiendra-t-on là ? Tant mieux si on le fait ; mais comment ne pas entendre les revendications d’un parti ardent et puissant dans la République, qui exige qu’on aille plus loin et qu’on supprime la liberté d’enseigner ? Si ces projets se réalisent jamais, ce qui est bien possible, — nous en avons vu se réaliser tant d’autres ! — on aura cru servir l’Université, et on l’aura au contraire très dangereusement desservie, parce qu’on aura rallumé contre elle la vieille guerre que l’introduction de la liberté dans nos lois avait fait cesser. Pendant plus de trente ans, de 1815 à 1850 et surtout pendant les dix-huit années du gouvernement de Juillet, cette guerre avait sévi. Les journaux et les brochures étaient remplis de dénonciations, d’ailleurs fort injustes, contre l’Université et son enseignement. Les défenseurs de l’Université répliquaient en dénonçant les Jésuites, qu’ils voyaient partout, et la Congrégation, qui était pour eux la bête de l’Apocalypse. De part et d’autre, la lutte était menée avec une ardeur parfois sans scrupule : on était vraiment dans une « période de combat. » Après la loi de 1850, le combat a pris fin et, pendant un demi-siècle, les deux enseignemens, l’enseignement public et l’enseignement libre, ont vécu l’un à côté de l’autre en se respectant. La liberté avait engendré cette tolérance mutuelle qui, quoi qu’on en dise, était beaucoup plus favorable à la véritable unité nationale, à l’unité des cœurs à défaut de celle des esprits, que le système du monopole qu’on propose de restaurer aujourd’hui. Si on le rétablit en effet, les polémiques d’autrefois renaîtront inévitablement, ce qui sera regrettable pour tous. Mais nous avons tort de parler pour l’avenir : aujourd’hui déjà, ces polémiques renaissent, et M. le ministre de l’Instruction publique les a