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le traitement des ouvriers à terre élevé tout à coup fort au-dessus de celui des marins qui naviguent ; des cadres exubérans, des situations démesurées prodigués au corps du Contrôle, aux officiers mécaniciens, aux personnels secondaires, etc. L’affolement après les catastrophes, l’imprévoyance avant. Qu’on se rappelle l’Iéna. Avant, on n’écoute aucun avertissement : ce n’est pas d’actualité ; d’autres objets attirent l’attention ministérielle. Après, on ne voit plus que poudre, qu’artillerie... Ainsi, pour vouloir trop bien faire sur un point trop limité, on risque à chaque heurt de tout désorganiser.

De ce désordre les Chambres sont les premières responsables ; les ministres le sont ensuite, qui se font leurs complaisans, et n’ont d’autres conceptions administratives que les leurs. On a beaucoup déploré la faible production des arsenaux, l’oisiveté des ouvriers, le gaspillage final. Des discours ont retenti, dénonçant les prétentions intolérables des syndicats. Mais d’autres, tombant des mêmes tribunes, mettaient toutes les insuffisances de production au compte d’un outillage trop restreint ou trop suranné. Qu’arriva-t-il ? Qu’on prit, à la fois, deux mesures partielles, mais contradictoires : diminution de l’effectif ouvrier, tendant à réduire une main-d’œuvre si peu rémunératrice ; augmentation de l’outillage général, qui eût au contraire comporté l’emploi d’un personnel plus nombreux. Ainsi tel port, surchargé de machines-outils qu’il faut bien entretenir, ne trouve plus de bras pour le travail réel nécessaire à les alimenter, et d’ailleurs requis par les besoins de la flotte.

Les réformes sont ou devraient être l’exception ; mais la vie administrative quotidienne n’est pas moins troublée par la politique. Le Parlement a peu à peu voulu tout contrôler, pour tout commander ; cela d’abord par appétit naturel d’une autorité que rien ne borne, puis afin d’étendre à tout et partout son trafic électoral des influences. A force d’exiger sur toute chose des justifications, statistiques, états d’existant ou de prévision, etc., on finit par doubler en fait l’ancienne comptabilité, aboutissant à la Cour des Comptes, d’une nouvelle à l’usage du Parlement. Nous saisissons ici l’une des origines de cette paperasse envahissante qui paralyse l’administration entière, comme un sable fin noie les engrenages d’une machine.

Enfin, ce n’est pas assez du contrôle budgétaire annuel, officiellement exercé par les Chambres, pas assez de la Commission