Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

février a dégagé l’atmosphère. Cette éclaircie répand sur l’horizon un apaisement nouveau.

Cependant les conditions européennes n’en ont pas été modifiées : la France, ni l’Allemagne n’ont rien changé à leurs engagemens respectifs. En doit-on déduire que le gouvernement de l’Empire accepte désormais la situation contre laquelle il protestait naguère ; qu’il reconnaisse la légitimité des accords par lesquels nous avons reconquis notre autonomie diplomatique ; qu’il soit guéri de la crainte de l’isolement, rallié à la doctrine de l’équilibre ? Dans une large mesure, il semble qu’il en soit ainsi. Tout d’abord, ce « cauchemar des coalitions, » que Schouvaloff, il y a plus de trente ans, dénonçait chez Bismarck, cette phobie de la solitude à laquelle sacrifiait plus récemment l’optimisme d’ordinaire mieux armé du prince de Bülow, cette hyperesthésie de la susceptibilité nationale qui, pendant tant de mois, a transformé en menace contre l’Allemagne tout acte accompli sans l’Allemagne, cette crise morale en un mot de défiance et de pessimisme ne pouvait pas être sans terme. La neurasthénie s’use par sa durée même. A voir ne point se produire les catastrophes qu’ils annonçaient, les Schwarzseher allemands ont fini par douter de leur hantise. De plus, si l’Allemagne a pu, soit au lendemain du traité franco-anglais de 1904, soit deux ans plus tard après Algésiras, soit encore en 1907, ressentir des appréhensions sincères, elle a trouvé dans des événemens plus proches la démonstration de son pouvoir. La crise orientale ne lui a valu que des succès. L’obsession de l’isolement en a été dissipée. La cause de la paix y a gagné d’autant.

Jamais en effet les diverses combinaisons qui se partagent l’Europe n’ont paru plus justifiées et plus capables aussi de vivre face à face sur le pied de l’égalité. La Triple-Alliance a dû aux événemens d’Orient un regain de vitalité. L’Autriche-Hongrie, pour développer une politique d’action, ne saurait se passer de l’appui de l’Allemagne. Et l’Italie est liée aux deux autres puissances en raison directe de leur solidarité. En revanche, le groupement symétrique mesure à l’échec relatif qu’il a subi dans les Balkans l’obligation de resserrer les engagemens qui le constituent. La Russie a plus que jamais besoin de trouver à Paris et à Londres la garantie de son indépendance diplomatique vis-à-vis de Vienne et de Berlin. La France et l’Angleterre ne peuvent méconnaître que l’estime médiocre où l’on tenait, à