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complètes. Moins heureux en toute manière que les biographes attitrés de Mozart et de Sébastien Bach, l’honnête et médiocre compilateur qui avait entrepris d’écrire la vie de Joseph Haydn, le négociant C.-F. Pohl, est mort, il y a vingt ans, avant d’avoir pu dépasser la première moitié de sa tâche ; et il ne semble pas que nous puissions espérer d’obtenir bientôt le complément nécessaire de ses deux volumes, non plus que le travail de révision, littéraire et musicale, dont ces deux volumes eux-mêmes auraient grandement besoin pour pouvoir prendre place à côté des ouvrages classiques de Jahn, de Spitta, et de Chrysander. Mais, à défaut d’une biographie plus digne de l’auteur des Saisons, voici que la maison Breitkopf a résolu de nous révéler tout l’ensemble de son œuvre, dont la plus grosse part était restée inédite ! Déjà trois grands volumes ont paru d’une admirable édition « critique, » analogue à celles qui nous ont fait connaître, précédemment, l’œuvre complète de Mozart, de Schubert, et de Beethoven : trois volumes où le plus savant des musicographes autrichiens, le professeur Eusèbe Mandyczewski, nous présente, classées selon l’ordre de leurs dates et soigneusement reproduites d’après les manuscrits originaux, les 40 premières symphonies du jeune maître de chapelle du prince Esterhazy[1]. Bientôt d’autres volumes s’ajouteront à ceux-là, consacrés à l’exhumation des symphonies suivantes, en même temps que des collaborateurs de M. Mandyczewski nous restitueront, dans le même ordre chronologique, les séries parallèles, — peut-être plus ignorées encore, — des divertimenti, des duos et trios, des concertos, et de tout le reste d’une œuvre musicale énorme, à coup sûr, mais sûrement aussi la plus variée, la plus aimable, et la moins fatigante qui soit au monde, avec la verve et l’ingéniosité merveilleuses de son invention. Ainsi nous allons pouvoir, désormais, explorer dans toute son étendue ce génie de Haydn dont il ne nous a été donné d’acquérir, jusqu’ici, qu’une connaissance relativement très bornée et très insuffisante, réduite, en somme, à une seule des nombreuses « périodes » de sa longue carrière ; et à peine moins important sera le service que nous rendra, pareillement, cette nouvelle « édition critique » en nous mettant à même d’étudier enfin, année par année, le vivant travail de transformation qui n’a point cessé de s’accomplir dans les idées et le style du maître, depuis ses premiers essais de musique instrumentale jusqu’à ses célèbres symphonies, oratorios, et quatuors de sexagénaire.

Cette étude, il est vrai, ne nous deviendra pleinement possible

  1. Joseph Haydn’s Werke, Série I, Symphonien, vol. I, II et III ; Leipzig, 1908-1909.