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exercés par Mlle de Montpensier, « dame de Thiers, » il prétendait gouverner ses vassaux suivant les principes en honneur dans les bureaux de la Ferme[1]. Il avait donc installé à Thiers un receveur, le sieur Théodore Belin, rompu aux secrets de la fiscalité la plus ingénieuse, dur aux pauvres et aux besogneux, insolent et processif à l’égard des bourgeois. « Le sieur Belin, dit une délibération des échevins de Thiers, en date du 22 janvier 1758, exagère à plaisir tous les articles de sa recette : il a inventé deux droits nouveaux : l’un qu’il appelle moisson du châtelain, et qui est de cinq sols sur chaque article de cens, l’autre qui est proportionnel au prix de toutes les acquisitions… »

Cette dernière taxe constituait proprement ce que les Thiernois appelaient le droit de leyde ou de levée, et formait, à l’origine, « le prix de l’asile, protection et sauvegarde, accordés par les seigneurs de Thiers aux forains qui vendaient leurs draps, sous la halle. » En l’étendant aux blés du marché, les prédécesseurs de Crozat avaient déjà mécontenté un assez bon nombre de minotiers et de boulangers ; mais « avant le sieur Belin il n’était venu à l’idée de personne de percevoir la leyde sur les grains que le bourgeois faisait venir pour sa provision, encore moins chez le bourgeois qui vendait son blé propre, dans son grenier, sans le porter au marché. » Et c’est pourquoi, dans les premiers mois de 1768, à la suite d’un long procès au civil que Crozat venait d’ailleurs de gagner, le conflit fut porté devant l’intendant, dont les bourgeois et artisans de Thiers sollicitèrent humblement la médiation.

Montyon écrivit aussitôt au baron de Thiers ; il essaya de le visiter ; il n’obtint de lui que des refus, accompagnés de commentaires malveillans à l’adresse des « mutins et des entêtés. » Même insuccès auprès de. Trudaine de Montigny, qui répondit, à son ordinaire, par des généralités économiques. Montyon se souvint alors d’avoir entrevu « le petit oncle, » dans l’entourage immédiat de Mme de Choiseul, entre Gatti le médecin, Gleichen, l’amant platonique, et Barthélémy, l’abbé inséparable. Il se rappela que le baron de Thiers, qui se piquait d’être collectionneur, affectionnait particulièrement le futur auteur d’Anacharsis, pour sa connaissance des antiquités et des choses d’art.

  1. Tous les faits et documens relatifs à l’affaire du droit de leyde, à Thiers, sont tirés des Archives du Puy-de-Dôme, C. 2759, et des Archives communales de la ville de Thiers, B. B. VII et VIII.