Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/918

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne sont faits que pour les animaux. » Un certain chevalier de Menson mande, le 12 juillet, que, dans la paroisse de Combraille, les hommes ont émigré, « laissant mourir les femmes et les enfans chez eux. » De Riom, le 2 juillet, de Lezoux, le 3, de Serpezet, le 11, on annonce de lugubres trouvailles : vieillard assassiné pour quelques sous, loqueteux morts le long du chemin, petit enfant délaissé au coin du carrefour ; — la maladie et la contagion s’en mêlent et viennent frapper ceux que la faim a laissés debout ; à Blanzat, à Clermont, à Lezoux, à Auvers, à Murat, des épidémies éclatent que les médecins décorent de noms savans ; mais tous les subdélégués notent que les victimes sont « accablées par l’extrême indigence, plutôt que par la réelle maladie, » et l’un d’eux parle de délivrance là où ses collègues sollicitent des secours en argent et des « tablettes de bouillon. »

Montyon n’avait pas attendu ces cris de détresse pour implorer la charité ministérielle ; il s’était d’abord adressé à son neveu, M. Maynon Dinvau[1], qui remplaça M. Laverdy au contrôle général. Malheureusement, M. Maynon Dinvau avait beaucoup médité sur les questions de l’économie politique et se préoccupait, avant tout, de mériter une place brillante parmi les adeptes de Turgot ; c’était proprement ce que nous appellerions aujourd’hui un économiste distingué. A ces provinciaux qui avaient faim, il résolut de rappeler quelques principes substantiels, et il répondit : « Ce n’est que de la liberté et de la concurrence du commerce que les villes qui peuvent craindre la disette doivent attendre des secours. Elles doivent appeler et encourager le commerce, en lui allouant des gratifications qui puissent déterminer les négocians à apporter les grains. » Montyon ne se tint pas pour battu ; il répliqua le 20 novembre 1769 et rédigea lui-même la minute de la lettre : « Monsieur, dit-il, permettez-moi de vous observer, qu’en Auvergne, il y a peu de négocians qui méritent ce nom, qu’il y a encore moins de villes qui puissent donner des gratifications, et que, malgré la liberté établie dans le commerce des grains, de malheureux paysans meurent de faim, si l’on ne daigne venir à leur secours. Je sens qu’il pourrait y avoir inconvénient à faire, pour le compte du gouvernement, des dons de grain, dont la répartition dérangerait les

  1. Maynon Dinvau avait épousé la seconde fille de Mme de Fourqueux, sœur de Montyon.