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car ils sauront que c’est de son relèvement, non de sa punition, que le Tribunal spécial aura à s’occuper.

Le caractère le plus frappant de cette proposition est de demander au Parlement, non pas qu’il tente une expérience législative dont nul ne sait ce qu’elle donnera, mais au contraire qu’il consacre par son vote une expérience de trois années, dont chacun sait qu’elle a réussi au-delà de tout espoir. La méthode suivie ici par les Patronages, à l’imitation des États américains, est évidemment la meilleure, et la statistique qu’il présente est le plus solide appui de la proposition. Ce succès dans le passé garantit le succès dans l’avenir. Il faut bien voir d’ailleurs que si, tout improvisé qu’il fût et fort seulement par le concours des intelligences et des dévouemens, le Tribunal spécial a produit d’excellens résultats, la loi lui donnera cette vie véritable, où les institutions se développent et s’épanouissent.

Le rôle du Tribunal pour enfans est considérable ; car c’est à lui que ressortissent tous les intérêts de l’enfance, et, dans les grandes villes, ces intérêts sont multiples : chaque jour en découvre un de plus. Il faut juger les enfans coupables et tout essayer pour leur relèvement ; il faut veiller sur les abandonnés et pourvoira leur sort ; il faut s’occuper des malheureux, des maltraités. Mais ne faudrait-il pas aussi contrôler l’application de la loi scolaire, et dans cet âge où l’enfant se pervertit, entre dix et treize ans, ne faudrait-il pas obtenir son assiduité ? Après l’école, pour ce temps si périlleux qui suit la puberté, ne va-t-on pas voir bientôt aboutir l’effort qui cherche à rétablir l’apprentissage, et n’est-ce pas aux juges de l’enfant que toutes les difficultés touchant cet apprentissage devront être soumises ? N’est-ce pas eux, enfin, qui devront assurer l’exécution des lois sur le travail des enfans ?

Certes, la tâche s’étendra ainsi, du fait seul que le Tribunal pour enfans sera créé par la loi. Ce sera une belle tâche, et singulièrement utile au pays, pour peu que ceux qui l’assumeront s’en montrent dignes. Il semble qu’elle ait en elle-même l’admirable vertu qui forme rapidement les hommes à leur fonction. On l’a bien vu en Amérique, par l’exemple du juge Lindsay. En France, les magistrats ne manquent pas qui joignent, à un dévouement pareil, le goût et l’art de s’occuper de l’enfance. Au Tribunal pour enfans, ils auront à accomplir une grande œuvre.


LOUIS DELZONS.