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d’un tel système, inquiéta les Sociétés charitables, les clubs féminins et le barreau. Parmi les réformes que chacun proposait, une idée domina : il fallait séparer l’enfant coupable des adultes criminels ; il fallait le mettre hors de la loi pénale qui suppose, comme condition de la faute, le discernement et le sentiment de la responsabilité : il fallait en un mot considérer en lui, non pas le fait délictueux, vol ou autre, fût-il grave, mais sa personne même, pour adapter à son individu les meilleurs moyens de relèvement. D’où la nécessité d’examiner avec soin cet enfant, de le connaître et de gagner sa confiance, de choisir non pas tant une sanction à sa faute qu’une mesure appropriée à son caractère et à son milieu, enfin de lui faire voir son intérêt à se bien conduire, de le suivre quelque temps, longtemps même, dans ses efforts. Les tribunaux ordinaires n’avaient ni loisirs, ni compétence pour une pareille tâche. Mais, depuis 1890, des Children’s courts[1] fonctionnaient en Australie ; depuis 1894, au Canada, et, plus anciennement encore, dans le Massachusetts, toutes avec la mission, non pas tant de juger les enfans coupables que d’exercer sur eux une tutelle attentive. Ces institutions, quoique donnant de bons effets, avaient passé quelque peu inaperçues. Les comités d’études de Chicago résolurent d’en essayer pour leur Etat ; un projet de loi fut envoyé à la législature : plusieurs fois ajourné, il fut enfin voté et devint la loi du 1er juillet 1899. C’est de ce moment que datent la renommée et le succès du « Tribunal pour enfans. » Le grand mouvement de Chicago devait rayonner au loin, entraîner le monde entier ; et les raisons en furent à la fois la force propre de cette institution originale, et la forme que l’Etat de l’Illinois sut lui donner.

Tout enfant abandonné ou coupable, garçon âgé de moins de seize ans, fille âgée de moins de dix-huit ans, sera conduit devant une « juridiction spéciale : » et ces mots sont pris au sens le plus exact. Sans doute les tribunaux d’arrondissement et de comté (circuit courts et county courts) peuvent juger en principe. Mais dans les comtés de plus de 500 000 habitans, et, par suite, dans toutes les grandes villes, les magistrats du tribunal d’arrondissement désignent un ou plusieurs d’entre eux pour juger les enfans : une salle spéciale leur est réservée ; et cette

  1. Littéralement : cours d’enfans.