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les questions. L’annexion a soulevé en Hongrie le plus vif mécontentement ; les chefs de tous les grands partis l’ont désapprouvée, sans en excepter même le comte Andrassy dont le père fut, au Congrès de Berlin, le premier plénipotentiaire austro-hongrois et conclut la Triple Alliance. La Bosnie annexée, que va-t-elle devenir ? Hongroise, autrichienne ou pays d’Empire ? La difficulté est si grave et menace d’entraîner des conséquences si dangereuses que le ministère commun n’a pas encore osé l’aborder. Quels effets pourra avoir, pour l’équilibre intérieur de l’Empire, cet accroissement considérable de l’élément slave ? C’est encore une question très complexe qu’il nous suffit aujourd’hui de poser. L’avenir des Slaves du Sud est, pour l’Autriche et pour la Hongrie, le problème de demain. Le comte Rudolf Waldbourg, dans l’article que nous avons déjà cité, constate que les Croates, les Serbes, les Slovènes, tous les Slaves du Sud, tendent vers l’unité, et il émet l’avis que la politique autrichienne ne doit pas s’opposera cette volonté manifeste, mais que son intérêt est de lui donner elle-même satisfaction. La monarchie austro-hongroise, dit-il en substance, n’a pas pour mission d’opprimer les Slaves, elle doit au contraire les protéger ; c’est donc sous l’égide des Habsbourg que cette unité doit trouver sa réalisation ; le groupe compact des Slaves du Sud entrerait ainsi dans l’Empire comme une unité nouvelle. Il faut rassembler les Slaves du dedans, protéger économiquement ceux du dehors (c’est-à-dire, pour parler net, faire entrer la Serbie dans un Zollverein) ; le centre des Slaves des Balkans ne doit être ni Belgrade, ni Cettigne, mais la monarchie danubienne avec sa civilisation supérieure. Les peuples dont une partie est placée sous le sceptre des Habsbourg s’étendent jusqu’au cœur des Balkans : c’est une indication pour l’avenir ; il faut que l’empire austro-hongrois s’avance dans la péninsule pour civiliser et mettre en valeur le pays : tel est le programme.

Ces vues d’avenir semblent bien être celles qui ont décidé la marche en avant de la politique austro-hongroise et l’annexion de la Bosnie ; mais elles se heurtent à des difficultés que les derniers événemens n’ont fait que compliquer. Le sentiment national serbe a été froissé ; il existait à peine, on l’a créé ; les journaux ont fait campagne non seulement contre le royaume de Serbie, mais ils ont attaqué la nationalité serbe avec une violence injurieuse. En Autriche même, et en Hongrie, les agrariens sont résolus à