communauté d’intérêts sur lesquels elle fonde ses espérances de secours, même effectif, de leur part, et surtout de la part de la grande puissance slave, la Russie.
La Skoupchtina nationale, après avoir entendu avec attention le discours du ministre des Affaires étrangères, et en ayant pris connaissance, attend du gouvernement royal d’entreprendre toutes les mesures nécessaires et d’employer toutes ses forces pour assurer, lors de la révision du traité de Berlin, l’indépendance politique et économique de la Serbie et du Monténégro. Elle est convaincue que ce but ne sera atteint que si l’on accorde à la Bosnie-Herzégovine la condition internationale d’une principauté vassale sous la souveraineté de Sa Majesté Impériale le Sultan et la garantie des puissances, et si l’on assure l’union territoriale de la Serbie et du Monténégro à travers la Bosnie-Herzégovine, ainsi que le transit pour la Serbie par tous les États dans toutes les directions des voies ferrées.
C’était non seulement le programme serbe dans toute son ampleur, mais c’était encore un véritable manifeste de la politique des nationalités, un appel à la fraternité slave et aux sympathies libérales ; il défaisait l’œuvre de M. d’Æhrenthal et annulait celle du Congrès de Berlin lui-même. M. Milovanovitch ne se faisait certainement pas illusion sur les résultats de son discours et de l’ordre du jour de la Skoupchtina ; tout ce qui pouvait froisser et irriter le Cabinet de Vienne s’y trouvait réuni comme à dessein : principe des nationalités, souveraineté du Sultan, garantie des puissances, revendications territoriales. Un pareil manifeste était dangereux pour la paix de l’Europe, dangereux surtout pour la Serbie ; il plaçait le débat diplomatique sur un terrain où, à moins d’aller jusqu’à la guerre, la Serbie et les puissances qui avaient encouragé ses illusions étaient vouées d’avarice à un échec.
A partir de ce moment, la diplomatie de l’Autriche redouble d’activité ; elle jette du lest : les pourparlers directs avec la Turquie, que le boycottage avait interrompus, sont repris et activement poussés. Dès le 13 janvier, on apprend que l’entente est faite. La Turquie renonce à tous ses droits moyennant une indemnité de 2 millions et demi de livres turques (56 millions de francs) et des garanties religieuses pour les musulmans de Bosnie. La manœuvre du baron d’Æhrenthal était habile : la Turquie, matériellement, avait été seule lésée ; du jour où elle renonçait à ses revendications et se déclarait satisfaite, la diplomatie de l’Europe perdait son meilleur argument ; elle ne soutenait plus qu’une protestation platonique au nom des traités