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recevait de Londres. Le prince héritier de Serbie, Georges Karageorgévitch, vint en Russie d’où il lança un télégramme ardemment patriote. M. Pachitch séjourna plusieurs semaines à Pétersbourg : le chef des vieux-radicaux est l’un des hommes d’Etat les plus éminens de la Serbie ; c’est lui qui, dans la crise de 1906, sut tenir tête à l’Autriche et trouver des débouchés pour les produits de l’agriculture nationale ; il est le représentant des idées d’entente avec les « frères slaves » de Russie et de Bulgarie : à tous ces titres il est particulièrement mal vu à Vienne, où on l’accuse d’avoir, durant son séjour à Pétersbourg, travaillé les journaux et souillé la haine de l’Autriche. A la même époque, M. Milovanovitch, ministre des Affaires étrangères de Serbie, faisait officiellement une tournée en Europe et recueillait, sinon des promesses, du moins des paroles sympathiques. Des délégués monténégrins faisaient, eux aussi, un voyage dans les principales capitales pour affirmer leur récente solidarité avec la Serbie. Ainsi, de plus en plus, la question dérivait sur le terrain des nationalités ; les manifestations de fraternité slave provoquaient en Autriche une vive agitation dans les milieux militaires et pangermanistes ; on y réclamait énergiquement la guerre pour en finir une bonne fois avec ces remuantes petites nationalités balkaniques : Slaves et Allemands étaient en présence.

L’intransigeance de la Grande-Bretagne sur la question des Détroits, le refus absolu du Cabinet de Vienne, appuyé par celui de Berlin, de laisser mettre en discussion le fait de l’annexion, et surtout la renaissance, dans l’Empire austro-hongrois comme en Russie, des sentimens de solidarité slave, présageaient l’avortement de la conférence. Elle devenait inutile et, par là même, dangereuse ; mieux valait chercher d’autres voies pour aboutir, sans pertes ni fracas, au résultat depuis longtemps prévu, la reconnaissance des faits accomplis que personne n’était disposé, en définitive, à contester sérieusement. Jusqu’à la fin des négociations, on continua de parler de la conférence ; la circulaire russe du 24 décembre était encore une démonstration de sa nécessité même dans le cas où l’Autriche viendrait à conclure un accord direct avec la Turquie ; mais désormais, ces appels à la conférence ne sont plus guère que des argumens dans la polémique diplomatique ; ils rappellent à l’Autriche qu’elle a besoin, sous une forme ou sous une autre, d’obtenir la reconnaissance, par les grandes puissances, des faits accomplis en