accord préalable est nécessaire, à moins que l’un des opinans ne représente une force telle que les oppositions se taisent et subissent sa loi. Bismarck tint ce rôle au Congrès de Berlin. A Algésiras, il n’y eut qu’un vote important et ce fut sur une simple question d’ordre du jour : mais cela suffit pour mesurer le nombre et la force des deux partis ; il n’y eut de votes sur les questions de fond qu’après qu’on fut assuré, par les longues et difficiles négociations dont M. André Tardieu s’est fait l’historien, d’avoir trouvé des formules qui réuniraient toutes les voix. L’Autriche, dans la dernière crise, déclara qu’elle n’irait à une conférence que si le fait de l’annexion de la Bosnie n’y était pas mis en discussion et si le programme était fixé d’avance sans qu’il pût y être rien ajouté au cours des délibérations. Il était évident dès lorsque la conférence ne se réunirait pas ou que, si elle se réunissait, ce ne pourrait être que pour enregistrer, après des débats de pure forme, le fait accompli et le droit violé. Si la conférence s’était réunie, les petits États n’y auraient pas été admis ; tout se serait passé entre les sept grandes puissances signataires du traité de Berlin, et l’on aurait vu une fois de plus les grands Etats disposer des plus petits sans consulter leurs vœux, ni les admettre à en délibérer. Il vaut mieux que les nations démocratiques n’aient pas donné ce spectacle et n’aient pas consacré, par un nouveau précédent, un droit si peu conforme à la justice.
A Buchlau et à Desio, à Paris, à Londres et à Berlin, M. Isvolski s’était trouvé en face d’hommes d’Etat avec lesquels il avait échangé des vues sur la question de Bosnie ; il avait négocié loin de son pays ; quand il rentra à Saint-Pétersbourg, déjà mécontent de son insuccès à Londres dans la question des Détroits, et ulcéré de l’initiative prématurée du baron d’Æhrenthal, il trouva l’opinion publique russe très excitée contre l’Autriche ; un violent courant de sympathies slaves s’était formé ; la presse slavophile s’exprimait sans ménagemens sur la politique autrichienne et n’épargnait même pas le nouveau roi des Bulgares. L’entente avec l’Autriche, inaugurée par les accords de 1897, n’avait jamais été populaire ; elle apparaissait aux héritiers de l’opinion panslaviste comme une abdication des Slaves en face de la politique germanique des Habsbourg. M. Isvolski céda à un courant d’opinion dont l’intensité le surprit. La Serbie reçut de Pétersbourg des encouragemens, en même temps qu’elle en