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Tu marchais, la tête penchée
Sur le jaune et fauve tapis,
Dont l’avenue était jonchée
Sous les grands ormes assoupis ;

Je t’ai jusqu’au bout regardée
Dans la brume et dans le lointain,
Voyant ta forme dégradée
Flotter dans l’air plus incertain,

Jusqu’à l’âpre minute obscure,
Où, dernier adieu des adieux,
Le point d’or de ta chevelure
Mourut dans les pleurs de mes yeux.


À la même inspiration, mais plus généralisée, ce semble, et se revêtant d’un symbole très expressif et très bien trouvé, se rapporte la pièce intitulée les Chrysanthèmes. Je suis heureux pour ces fleurs mélancoliques, ou plutôt pour ces fleurs qui, tout en annonçant l’hiver, mettent un sourire dans la tristesse de ses approches ; je suis heureux pour ces fleurs, amies du vieillard, qu’un poète les ait chantées. Elles ne l’avaient été, ce me semble, par personne. M. Angellier les a admirablement comprises. Il a démêlé leur charme triste et doux. Sa pièce, de toutes sortes de manières, rappelle singulièrement les admirables Limbes de Casimir Delavigne. Les chrysanthèmes sont des cœurs de limbes ; et on les verrait très bien, aussi bien que les asphodèles, frôlés par les ombres pensives dans la Nécuia d’Homère.


Le jardin n’a plus que des chrysanthèmes.
Les rosiers sont morts, et les diadèmes
Des derniers « soleils »
Tombent, en pliant leurs tiges séchées,
Dans l’herbe où les fleurs sont déjà couchées
Pour les longs sommeils.

Les géraniums, les phlox, les colchiques,
Les lourds dahlias et les véroniques
Et les verges d’or,
Gisent dans l’humus sous les feuilles mortes,
En proie au hideux peuple des cloportes,
Ouvriers de mort.

Le jardin n’a plus que des chrysanthèmes !
Mais l’année a mis ses grâces suprêmes
Dans ces pâles fleurs ;