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nouvelles pour lui. Il les entreprenait d’un esprit libre et ardent : elles lui réservaient bien des surprises.

C’est un guerrier très merveilleux que Guillaume d’Orange, l’un des sept fils d’Aymeri de Narbonne et le héros d’un des plus riches cycles épiques du moyen âge. Vingt-quatre poèmes célèbrent les exploits de sa famille et les siens, mais comme il n’est pas homme à rester au second plan, sur ce nombre huit lui sont personnellement consacrés. Dès son départ de la ville paternelle, Guillaume tout jeune bataille contre les Sarrasins. Armé chevalier par Charlemagne lui-même, il reçoit bientôt de ses mains l’épée illustre entre toutes, Joyeuse, l’épée des rois de France. C’est que l’Empereur vieilli pressent l’indignité de son fils et la loyauté du jeune chevalier : il laisse sa couronne à Louis et son épée à Guillaume. Toute la vie du fidèle serviteur sera vouée à la défense de son souverain et de la chrétienté. Charlemagne disparu, c’est Guillaume qui prend Louis sous sa protection, combat les barons révoltés, raffermit en tous lieux sa puissance. Mais le Roi est ingrat et il oublie son défenseur dans la distribution de ses fiefs. Alors Guillaume irrité veut quittera cour. Il se souvient que, revenant un jour du pèlerinage de Saint-Gilles, il a vu la contrée toute couverte de païens ; et il demande à son roi la permission d’aller conquérir sur les infidèles le fief d’Orange. Il part donc de Paris avec ses compagnons, la fleur de la baronie de France, il traverse le Berry et l’Auvergne, il entre à Nîmes, puis à Orange. Quels furent pendant des années ses prouesses dans la région, les poèmes le disent, et font voir le héros combattant pour son roi partout et jusque dans Rome. Enfin devenu vieux, chargé de gloire, il se retire au monastère d’Aniane et un peu après à l’ermitage du Désert. Son œuvre n’est pas finie cependant. A l’appel de Louis, il sait retrouver son cheval et ses armes, et vaincre encore ses ennemis. Mais quand il revient, c’est pour toujours : il dépose son bouclier en ex voto sur l’autel de Saint-Julien de Brioude, et achève si saintement sa vie que l’Eglise l’a placé parmi les élus.

Comme les poètes, les moines ont gardé le souvenir d’un si pieux personnage. L’ermitage où Guillaume se retira se trouve très exactement situé comme les chansons le disent. Saint-Guilhem-du-Désert est aujourd’hui un village entre Montpellier et Lodève, à quelques kilomètres d’Aniane. Dans l’église, dont les assises datent de l’époque carolingienne, on montrait jadis