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présent, elle demandait un engagement en vue de faits problématiques de l’avenir et nous rejetait dans les hasards dont, sans elle, nous étions sûrs de sortir heureusement. Quelle nécessité de se précipiter ainsi ? Quel péril était à redouter qu’on ne pût attendre avec patience une réponse de Madrid et de Berlin certaine dans quelques heures, et qui nous eût apporté des satisfactions suffisantes ? Mais la Droite n’entendait pas que l’affaire se terminât pacifiquement. Cette demande de garanties était, comme on l’a vu, par l’interpellation de Duvernois qui l’avait précédée, sa conception. Au début, unissant sa voix à celle qui s’élevait de tous les cœurs français contre la candidature provocatrice, elle supposait que nous ne pourrions pas l’accepter, et que la Prusse ne voudrait pas la retirer. Dès que la perspective d’un retrait fut entrevue, elle changea de langage, et l’on entendit les mêmes personnes, qui avaient estimé la candidature Hohenzollern si menaçante que son succès eût été notre déchéance, affecter de ne la plus considérer que comme un événement secondaire, beaucoup trop grossi, dont on avait eu tort de s’alarmer, si on ne voulait pas y chercher l’occasion favorable de vider notre querelle permanente avec la Prusse. J’avais signalé à l’Empereur ce mouvement lorsqu’il commença à se produire, et je m’y étais opposé avec une intraitable résolution.

La Droite, n’espérant pas venir à bout de ma résistance, me déchirait rageusement. J’étais accusé de manquer de courage, de patriotisme et de clairvoyance. Le Pays et le Public avaient lancé les insinuations les plus désobligeantes. Oubliant qu’Olozaga était demeuré aussi étranger à la candidature Hohenzollern que moi-même, le Pays écrivait : « Quand M. Olozaga venait coqueter place Vendôme et offrir ses Toisons d’or, il savait sans doute que la vanité grise et trouble les têtes. Et si les yeux de nos gouvernails ont été fermés et aveuglés, c’est que peut-être tel grand cordon des Dames nobles leur servait de bandeau. » Le Public de Rouher était encore plus venimeux. Mais tout ce déchaînement de colère ne m’ébranlait pas. Gramont, après les engagemens pris envers moi et envers Lyons, l’Empereur, après l’assentiment qu’il avait donné à ses promesses, étaient aussi engagés que moi à ne pas élargir le débat. La Droite alors eut l’habileté infernale de ne pas braver en face une résistance dont elle était sûre de ne pas venir à bout ; elle renonça à parler du traité de Prague et se mit à envenimer la