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suppose, ils devaient connaître l’usage du bronze ; peut-être que, comme en Sardaigne le cuivre est excessivement rare, l’étain inconnu, — du moins jusqu’à présent n’en a-t-on pas trouvé de traces, — furent-ils obligés de se remettre à la pierre ? Dans les siècles qui suivirent, après que les Phéniciens eurent abordé dans l’île, ils se servirent de bronze concurremment avec les instrumens de pierre : massues de basalte, couteaux de silex ; mais il y a là une raison économique, les métaux importés ayant toujours été d’un prix élevé, il était plus avantageux, pour les pointes de flèches par exemple, qui se perdent et se détériorent facilement, de les tailler dans l’obsidienne que l’on rencontre couramment à la surface du sol.

A la longue, l’histoire de ce peuple doit embrasser bien des centaines d’années ; ils devinrent un jour d’habiles chimistes, car ils savaient déjà dans ces temps éloignés que le phosphore durcit le bronze. M. Nissardi a découvert un atelier complet de fondeur : à côté de petits lingots prêts à être mis au creuset, il y avait des bois de cerfs et des os concassés que l’ouvrier comptait jeter dans le métal en fusion. Les moules des haches étaient en stéatite, matière réfractaire qui au plus près ne peut se rencontrer que dans la Valteline. A proximité de ce même atelier, on a trouvé un lingot de cuivre, présentant la même forme que des lingots récemment rencontrés en Crète. Il porte en son milieu une marque simulant peut-être une épée. Cette marque serait-elle celle d’un fondeur d’Orient, réputé pour la bonne qualité de ses produits ? A quel siècle est-il possible de faire remonter cet atelier ? Personne ne le sait. La seule chose qu’on puisse affirmer, c’est qu’il date de l’époque des nuraghes, et que, très probablement, les Phéniciens ont été les importateurs du lingot.

Chose curieuse, cette civilisation n’a laissé aucun objet d’or ou d’argent ; jusqu’à présent on n’a rien découvert de semblable.

En examinant la topographie du pays, l’emplacement des ruines des villages et des nuraghes défendant les cols, il semble bien que ces peuples vivaient groupés en une infinité de petites confédérations, à peu près indépendantes les unes des autres, et fréquemment en guerre entre elles. Certains auteurs ont prétendu qu’à ce moment la population de la Sardaigne devait s’élever à dix ou douze millions d’habitans ; mais d’après les récens travaux et de très sérieuses investigations, il faudrait beaucoup