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vous ne le lui refuserez pas ; et si une fois vous commencez à l’aimer comme il veut l’être, si vous voyez en lui votre lumière, votre bien, votre tout, il n’en faut pas davantage, et votre salut, madame, est assuré.

Mais, pour entrer dans quelques détails qu’autorise la confiance dont vous m’honorez, souffrez que je vous représente la nécessité de correspondre aux grâces qui vous sont offertes ; il y aurait aussi trop d’ingratitude à les laisser s’éteindre sans fruit au fond de votre cœur. Votre sort est entre vos mains ; il dépendra vraisemblablement du parti que vous allez prendre et de votre constance à marcher dans la route que Dieu vous ouvre. Vous avez à combattre deux ennemis terribles ; employez à les vaincre cette force de caractère qui ne vous a été donnée que pour cela ; et cependant souvenez-vous que toute notre force consiste à nous sentir faibles, et toute notre grandeur à nous humilier profondément. Ce langage vous paraît dur peut-être. Dieu sait néanmoins qu’il m’est inspiré par 1er plus tendre intérêt pour votre âme, et qu’à l’exemple de Jésus-Christ, je donnerais ma vie, et mille vies si je les avais, pour assurer votre bonheur.


Il lui donne ensuite quelques instructions pour ses prières, qui ne doivent pas être longues, mais ferventes, et pour ses lectures, lui recommandant d’apprendre par cœur le catéchisme afin de connaître sa religion. Puis il continue :


Il y a tel sacrifice que vous n’obtiendrez jamais de vous ! Madame, vous ne savez pas encore ce que c’est que la religion ; vous ne connaissez pas su puissance. Sans doute que, de vous-même, vous ne vous résoudriez jamais, je ne dis pas à tel sacrifice, mais à aucun sacrifice, même le plus léger ; ils sont tous au-dessus de vos seules forces. Mais quand Dieu vous les demandera, de cette voix à qui rien ne résiste, il se fera en vous un tel changement, que vous ne comprendrez même plus ce qui pouvait vous arrêter. Je dis ceci sans rien préjuger sur l’obstacle que vous semblez craindre. Quel qu’il soit, ne laissez pas votre esprit s’en trop préoccuper. Cette pensée maintenant vous serait dangereuse. Allez droit à Dieu, sans vous inquiéter des difficultés qui peuvent se rencontrer sur la route ; il n’y en a point d’invincibles, je vous le promets en son nom.

Je vous ai obéi, madame, en vous parlant avec toute la liberté de mon ministère. Mon seul regret est de sentir que tout autre eût été plus digue de la confiance que vous me témoignez. Je tremble, je vous l’avoue, de compromettre par mon inexpérience et mon peu de lumières les intérêts d’une âme que la Providence me confie et dont le salut m’est si cher ! Comptez du moins sur un dévouement sincère et sans réserve. Je crois voir clairement que Dieu a sur vous des vues de miséricorde ; livrez-vous donc à lui avec un plein abandon. Vous ne serez heureuse qu’en l’aimant, en vous consacrant à son service. Tout le reste n’est qu’illusion ; qui doit le savoir mieux que vous ? Vous avez connu les joies de la terre, et elles n’ont pas rassasié votre cœur : maintenant venez et goûtez combien le Seigneur est doux : c’est le vœu que forme la personne du monde qui vous est dévouée avec le plus de respect.