blanche, le substitut attendait Donnadieu ; l’interrogatoire commença :
— Vous avez raconté à diverses personnes que vous aviez reçu la mission d’assassiner le Premier Consul. Expliquez-vous à ce sujet.
— Je n’ai jamais tenu pareil langage.
Une surprise ahurie !… Mais Fardel souriait, incrédule ; ironie de métier :
— Nous sommes très renseignés. Vous avez dit que le Premier Consul serait frappé demain, 15 floréal, à la parade, d’un coup de pistolet.
La surprise ahurie devint une stupeur indignée :
— Projet infâme, citoyen magistrat !… Mais moi, n’étant pas la police, je ne sais rien, rien, rien !
— Quel est donc l’officier choisi par ses complices pour commettre l’attentat ?
— Un officier ? Un militaire français ?… J’ignore le premier mot de cette abominable histoire !
— Vraiment ?… Eh bien ! cet officier n’est autre que vous.
— Moi ?… Moi, transformé en assassin !
— Oui, vous !… Nous sommes encore très renseignés.
Ses renseignemens, toujours ses renseignemens !… Et Donnadieu se rappela soudain la scène inquiétante qui, dans l’après-midi, s’était jouée au ministère de la Police : l’huissier apportant une lettre ; Desmarest sortant aussitôt ; l’ennemi, l’accusateur inconnu dénonçant, révélant, conférant dans un salon voisin… Mieux valait observer le silence, ou jouer une comédie d’ébahissement. Mais cet habile Fardel savait manier la gent conspiratrice ; avec de tels menteurs on doit user de subterfuge ; il se fit donc attristé et plaintif :
— Dans vos conversations vous proférez l’injure contre le Premier Consul.
— Erreur !… Comme tous les bons Français, j’admire sa gloire et son génie.
— Non, vous le diffamez… Quelle conduite, citoyen, et quelle ingratitude ! Le Premier Consul vous a comblé de ses bienfaits.
« Ses bienfaits ! » Donnadieu n’aurait dû rien répondre à ce plaisantin ; mais Nîmois et sonore, il préféra déclamer :
— Fils de la République, j’ai conservé une âme républicaine !