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en accusation par l’Assemblée législative pour avoir compromis la nation par une correspondance sans dignité. Un des considérans les plus énergiques du décret par lequel la même Assemblée déclara la guerre à François Ier roi de Hongrie et de Bohême, après un rapport de Condorcet, « précieux monument de raison et de mesure, » selon Thiers, est « que, le refus de répondre aux dernières dépêches du roi des Français, ne laissant pas d’espoir d’obtenir par la voie d’une négociation amiable le redressement des griefs de la France, équivalait à une déclaration de guerre. » La même assemblée nous a enseigné comment un peuple fier répond au refus de recevoir son ambassadeur. Dumouriez, demandant au roi de Piémont, Victor-Amédée, de se montrer favorable à la France, lui envoie Semonville, notre agent diplomatique auprès de la République de Gênes, avec mission de proposer une alliance offensive et défensive, moyennant la promesse de la Lombardie. Le Roi, lié à la Coalition et à l’émigration, dépêche au-devant de Semonville, à Alexandrie, le comte Solara avec ordre de l’empêcher d’aller plus avant, en employant toutefois des formes aimables. Le comte, homme apte aux missions délicates, exécute ses instructions avec urbanité : il invite Semonville à dîner et comme c’était un vendredi et qu’il supposait qu’un jacobin ne fait jamais maigre, il a l’attention de lui offrir un dîner gras ; mais il ne le laisse point poursuivre sa route vois Turin, lui refuse des chevaux de poste et l’oblige à retourner à Gênes. « L’offense faite à la France dans la personne de son représentant, dit Nicomède Bianchi, était trop évidente pour être palliée. » Dumouriez s’en plaignit avec irritation à l’Assemblée et conclut à une déclaration de guerre. De toutes parts s’élevèrent des acclamations. La guerre fut solennellement déclarée (13 septembre 1792). Plus tard, lors de la paix qui eut lieu entre la République et Victor-Amédée (15 mai 1796), une des principales conditions lut que Je Roi désavouerait l’injure faite à l’ambassadeur à Alexandrie. Les procédés de Bismarck et du Roi à notre égard avaient été aussi impertinens et beaucoup plus publics que ceux de Victor-Amédée à l’égard de Semonville ; ils exigeaient une réparation éclatante.

On a quelquefois opposé à notre conduite celle des ministres de l’Empire autoritaire lors de l’affaire du Luxembourg. Que n’étaient-ils encore au gouvernement ! Tout eût été sauvé, car ils auraient, eux, tout supporté. On les calomnie par cette