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déjouons cette ruse par la netteté et la résolution d’une déclaration publique à la tribune le 6 juillet. Notre déclaration ne devant pas recevoir de réponse officielle de Bismarck, nous envoyons Benedetti à Ems auprès du roi de Prusse ; nous l’appuyons par d’habiles négociations et, pour nous mettre tout à fait en sûreté du côté de l’Espagne, nous détachons Serrano du complot. Enfin nous faisons plus et mieux, nous mettons la candidature à néant par la suppression du candidat. Le prince Antoine, à l’insu de Bismarck, sous l’action d’Olozaga et de Strat, encouragé par l’Empereur, retire la candidature de son fils. Bismarck, parti de Varzin pour aller à Ems obtenir du Roi la réunion du Parlement et la mobilisation, est terrassé par la nouvelle imprévue et s’arrête à Berlin : toutes ses fourberies sont devenues vaines, le casus belli lui échappe, c’est un échec colossal qui va le rendre la risée de l’Europe. Le sang seul pouvait le sauver de ce désastre. Il notifie au Roi que, s’il ne se décide pas à la guerre, il donne sa démission. Le Roi refuse de s’associer à ses fureurs et d’interrompre les conversations pacifiques avec Benedetti. Bismarck n’a plus qu’à se retirer à Varzin ; le monde va respirer. Mais voilà que Napoléon III lui-même, à qui était due cette victoire pacifique, a subi un affaissement de volonté, et que, sous la pression de la Cour et de la Droite, sans prendre le temps de réfléchir, sans consulter ses ministres, il rouvre l’affaire et ordonne à Gramont d’adresser au Roi une demande de garanties pour l’avenir. Les ministres informés de cette demande s’inquiètent ; ne pouvant la retirer puisqu’elle était un fait consommé au moment où ils en sont informés, ils croient écarter le péril en décidant que, quelle que soit la réponse du roi de Prusse, ils l’accepteront et jugeront l’incident clos. L’Empereur et Gramont se rallient à ce pas en arrière. Que Bismarck ne sorte pas des voies normales de la diplomatie, qu’il fasse rejeter par son roi une demande inconsidérée, et la paix est sauvée ! Mais si la paix était sauvée, Bismarck ne l’était pas. Il profite de l’occasion qu’on lui avait rendue, et au lieu d’un refus diplomatique, il annonce urbi et orbi aux journaux et aux gouvernemens que le Roi a refusé de recevoir notre ambassadeur et rejeté les demandes de la France. On a dit qu’en répondant à cette injure par une déclaration de guerre, nous étions tombés dans un piège. Je ne m’explique pas en quoi aurait consisté ce piège. Il n’y a rien qui y ressemble dans cette seconde partie de l’action de