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justifie la provocation incontestable de Bismarck. La véritable explication est autre ; nos lecteurs la savent déjà, et je dois y revenir une dernière fois.

Guillaume et Bismarck, assistés par deux organisateurs militaires de premier ordre, avaient résolu de terminer la conquête de l’Allemagne commencée par Frédéric. Le premier acte avait été la rupture de la Confédération germanique et l’exclusion de l’Autriche de l’Allemagne. La victoire de Sadowa n’avait assuré ce premier résultat qu’en compromettant le but final : des Allemands avaient vaincu des Allemands, ce qui n’était pas de nature à faciliter leur réunion sous un même Empire ; le seul moyen de les réconcilier était de les associer à une victoire commune contre l’ennemi héréditaire. « Cette guerre, avait dit Guillaume en juillet 1866, sera suivie d’une autre. » Dès ce moment, le ravisseur des duchés et du Hanovre avait accepté la guerre contre la France comme une nécessité historique aussi inéluctable que l’avait été la guerre contre l’Autriche. « J’étais convaincu, dit Bismarck, que l’abîme qu’avaient creusé, au cours de l’histoire, entre le Sud et le Nord de la patrie, la divergence de sentimens, de race et de dynastie et la différence du genre de vie, ne pouvait pas être plus heureusement comblé que par une guerre nationale contre le peuple voisin, notre séculaire agresseur. Je me souvenais que déjà, dans la courte période de 1813 à 1815, depuis Leipzig et Hanau jusqu’à Waterloo, c’était la lutte livrée en commun et avec succès contre la France qui avait permis de faire disparaître une antinomie, je veux dire l’antithèse qui existait entre une politique docile d’États vassaux de la France de par la Confédération du Rhin et l’élan national allemand… Ces considérations politiques, touchant les États de l’Allemagne du Sud, pouvaient aussi s’appliquer, mutatis mutandis, à nos relations avec la population du Hanovre, de la Hesse, du Sleswig-Holstein. » Depuis le succès, il est revenu maintes fois sur la même assertion : « La guerre de 1870-71 était aussi une nécessité, disait-il à Iéna en 1892 ; sans avoir battu la France, nous n’aurions pas pu achever tranquillement la formation de l’Empire allemand. La France aurait trouvé plus tard des alliés, pour nous en empêcher. »

Ceci est de première importance pour qui veut bien saisir la raison vraie de la guerre de 1870, et je ne saurais trop y insister : sans la guerre avec la France, la question des États du Sud était